Des chercheurs de lInstitut Pasteur ont cherché à comprendre comment les changements démographiques associés à la transition Néolithique ont aussi influencé lefficacité de la sélection naturelle. En comparant la diversité du génome de plus de 300 individus provenant de groupes de chasseurs-cueilleurs forestiers (Pygmées) et dagriculteurs (Bantous), à lOuest et à lEst de lAfrique Centrale, ils ont notamment découvert que si les Pygmées nont pas souffert dun excès de mutations délétères pour leur santé, cest grâce à leur diversité génétique et à leur « mélange » avec le peuple Bantou.
Létude de la diversité du génome humain, et des mutations rares ou fréquentes, est essentielle à lidentification des mutations participant à la susceptibilité aux maladies « complexes », telles que les maladies infectieuses ou auto-immunes. « Lélimination de ces mutations, délétères pour la santé humaine, est conditionnée en grande partie par lhistoire évolutive des populations et en particulier par leurs fluctuations démographiques », explique Lluis Quintana, responsable de lunité de Génétique évolutive humaine, auteur de létude. Au fil de leur histoire, les populations humaines ont subi des changements considérables et extrêmement variés en termes de nombre dindividus et ayant aboutis à des différences dans le nombre et la sévérité des mutations quelles portent. Cette accumulation de variants génétiques responsables de maladies est définie comme le « fardeau de mutations délétères » et varie dune population à lautre en fonction de son passé. « Lobjectif de notre projet est donc de comprendre comment les évènements démographiques, tels que laugmentation et la réduction du nombre dindividus, mais aussi le mélange génétique, a impacté certains mécanismes évolutifs comme lefficacité de la sélection purificatrice. »
Une comparaison de la diversité des génomes de deux populations
Pour cela, les travaux des chercheurs se sont concentrés sur la comparaison de populations témoignant de lune des transitions socio-culturelles les plus importantes de lhistoire de lHomme : le passage à lagriculture. En comparant la diversité du génome de plus de 300 individus provenant de groupes de chasseurs-cueilleurs forestiers (Pygmées) et dagriculteurs (Bantous), à lOuest et à lEst de lAfrique Centrale, cette étude vise à comprendre comment les changements démographiques associés à la transition Néolithique ont aussi influencé lefficacité de la sélection naturelle. « Pour cela, nous avons caractérisé la structure génétique de ces populations à partir de données de séquençage dexome - une fraction du génome permettant la synthèse de protéines, NDLR - et reconstruit par modélisation informatique lévolution de la taille des populations au cours des 200 000 dernières années », poursuit le Lluis Quintana.
Contre toute attente, son équipe a observé que les groupes de chasseurs-cueilleurs forestiers actuels sont issus de populations ancestrales prospères dont la taille génétique était comparable à celle des ancêtres des agriculteurs. De plus, des simulations montrent que des mélanges génétiques existaient déjà entre les groupes il y a plus de 20 000 ans.
« Cest plus récemment, au cours des 20 000 dernières années, que ces deux populations ont vécu des histoires démographiques diamétralement opposées puisque la taille des populations de chasseurs-cueilleurs a diminué drastiquement [environ 80 %] alors que le nombre de proto-agriculteurs a triplé. »
Mesurer limpact des changements démographiques extrêmes
Afin de comprendre et de quantifier limpact de ces changements démographiques extrêmes sur le fardeau de mutations délétères, les chercheurs ont mesuré lefficacité de la sélection purificatrice dans les deux groupes et retracé sa dynamique au cours du temps. « Ce travail nous a permis de mesurer laugmentation et la diminution du fardeau de mutations délétères avec la contraction et laugmentation des tailles populations, explique le chercheur. Cette étude nous a également permis de prédire que, dans le cas particulier des chasseurs-cueilleurs et agriculteurs africains, le fardeau actuel de mutations est similaire dans les deux groupes malgré des histoires démographiques et des modes de vie différents. »
Cest à la fois leur diversité génétique ancestrale très élevée et le mélange intense et continu avec les agriculteurs qui a permis aux chasseurs-cueilleurs de ne pas souffrir dun excès de mutations délétères. Ces prédictions ont ensuite pu être vérifiées grâce aux données de séquençage dADN en quantifiant empiriquement le nombre de mutations délétères portées par chaque individu et en ne détectant aucune différence dans le nombre et la sévérité des mutations portées par les chasseurs-cueilleurs forestiers et les agriculteurs.
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Journal
Nature Ecology & Evolution