Les chimpanzés qui voyagent loin et longtemps font un usage plus fréquent doutils pour chercher de la nourriture. Cest le constat que livre le Laboratoire de cognition comparée de lUniversité de Neuchâtel, en collaboration avec lUniversité de Genève (UNIGE), au terme de sept ans dexpériences entreprises sur le terrain. Tout comme la bipédie qui sinstalle durant lévolution, le recours à des outils peut être vu comme une compensation des coûts énergétiques quentraînent les déplacements, indiquent les chercheurs dans un article qui vient dêtre accepté par la revue scientifique eLife.
On sait que certains singes, dont les chimpanzés, utilisent des bâtons ou dautres outils simples comme des éponges de feuilles pour débusquer de la nourriture a priori inaccessible. Dans cette étude, les chercheurs de lUniversité de Neuchâtel et de lUNIGE ont voulu savoir quels facteurs poussaient les primates vers cette pratique.
« Nous avons analysé sept années d'expériences de terrain, dans lesquelles les chimpanzés devaient tenter de récupérer du miel depuis l'intérieur d'une bûche de bois (communément appelée 'honey-trap experiment'), explique Thibaud Gruber, premier auteur de létude. Nous avons voulu savoir quels facteurs externes expliquaient leur motivation pour participer à l'expérience. »
Dans un premier temps, les chercheurs ont démontré que les chimpanzés ne s'intéressaient véritablement à la bûche que sous une certaine pression écologique, en cas de manque de fruits dans la forêt et quand ils ont beaucoup voyagé pour trouver cette nourriture. « Cet effet était d'autant plus marqué quand la situation (peu de fruits et beaucoup de voyages) avait duré longtemps. Dans les cas où il y avait de la nourriture en abondance, ou que les chimpanzés n'avaient pas besoin de beaucoup voyager, leur intérêt pour la bûche était moindre. »
Dans un deuxième temps, les chercheurs ont voulu savoir quels facteurs les poussaient directement à lutilisation dun outil, en loccurrence une éponge faite de feuilles ou un bâton pour gratter lintérieur de la bûche. Et là, surprise : « Nous avons trouvé que seul leffet du voyage, et pas celui de manque de nourriture, favorisait lutilisation de loutil. Autrement dit, plus les chimpanzés avaient voyagé dans la semaine précédant leur interaction avec la bûche, plus ils avaient de chance d'utiliser un outil dans leur interaction. Cela suggère qu'il existe un coût énergétique immédiat du déplacement que les singes pourraient compenser avec l'utilisation d'outils. »
Le recours à des outils pour compenser leffort du voyage nest pas sans rappeler lapparition de la bipédie qui sest mise en place dans un but similaire au cours de lévolution. « Ces deux réponses pourraient avoir coévolué pour contenir les coûts énergétiques variant au cours du temps », conclut Thibaud Gruber.
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