Une étude explore le refus des célibataires involontaires de travailler et d’étudier
L’analyse de conversations en ligne réalisée par des chercheurs de l’Université McGill révèle que certains « incels » invoquent des raisons idéologiques pour ne pas travailler ou étudier, renforcées par la pression de leurs pairs
Acclamée par la critique, la série Netflix Adolescence a mis en lumière la culture et les idées des célibataires involontaires, ou « incels », qui forment une sous-culture en ligne composée principalement d’hommes hétérosexuels qui se définissent comme incapables de trouver un partenaire amoureux ou sexuel, en grande partie à cause de leur manque d’attrait physique.
En analysant les échanges sur les forums en ligne des incels, les chercheurs de l’Université McGill ont pu mieux comprendre les attitudes négatives à l’égard du travail de nombreux jeunes hommes qui s’identifient à ce groupe. Ils avancent que si certains incels ont du mal à trouver et à conserver un emploi en raison de divers problèmes de santé mentale, pour de nombreux membres des forums d’incels, le choix de ne pas travailler, étudier ou suivre une formation professionnelle repose sur des convictions profondes, souvent renforcées par les autres participants.
Selon les chercheurs, cette observation semble indiquer qu’il est nécessaire de mettre en place des programmes de formation et d’aide à l’emploi qui s’attaquent non seulement aux obstacles pratiques à l’intégration du marché du travail et des études, mais aussi au profond sentiment d’aliénation et de rejet social ressenti par de nombreux membres de ce groupe.
Le chômage comme moyen d’affirmer son identité incel
Des sondages récents ont montré qu’un pourcentage très élevé (jusqu’à 30 %) d’incels n’étaient ni sur le marché du travail, ni aux études, ni en formation (ou NEET, pour not in employment, education or training). Cela a incité des chercheurs à analyser au-delà de 1 200 commentaires en ligne sur l’emploi publiés sur 171 fils de discussion d’un forum d’incels populaire pendant deux semaines à l’automne 2022.
« Ils considèrent le statut de chômeur comme un gage de la détermination de leurs pairs à préserver une identité incel et encouragent souvent les autres membres du groupe à opter pour le chômage et l’isolement. Beaucoup partagent également la conviction que sans compagne, le travail est inutile », explique Eran Shor, sociologue à l’Université McGill et coauteur de l’étude publiée dans la revue Gender, Work & Organization.
Un contrôle interne serré contribue à maintenir le statut d’incel
Les participants aux discussions encourageaient fréquemment les autres à conserver leur statut de NEET, preuve, selon eux, de l’identité du véritable incel (ou « truecel »). Ceux qui parlaient d’essayer d’améliorer leur situation en travaillant ou en faisant des études étaient régulièrement qualifiés de faux incels, ou « fakecels ».
Seulement environ un quart des membres du forum ont dit qu’ils, ou d’autres membres, devraient essayer d’améliorer leur situation en travaillant ou en faisant des études.
« Cette pression exercée par les pairs fait du chômage un badge d’honneur plutôt qu’un problème à résoudre. Ces espaces virtuels peuvent renforcer des idées néfastes et dissuader leurs membres de demander de l’aide ou de changer leur situation. Il est donc essentiel de comprendre comment ces croyances se forment pour trouver des moyens de soutenir ces jeunes hommes marginalisés et d’établir un dialogue avec eux », déclare le Pr Shor.
La réinsertion sociale des incels passe par une approche multidimensionnelle
Les chercheurs estiment que pour encourager les incels à envisager un changement, il faudra adopter une approche multiniveau. Selon eux, il est nécessaire de mettre en place des programmes de formation générale et professionnelle et d’aide à l’emploi. Des interventions axées sur la santé mentale et sur la participation au sein des communautés virtuelles seront également importantes, disent-ils.
Era Shor ajoute : « Un changement à long terme nécessitera de remettre en question les discours dangereux sur la masculinité, les relations et la réussite. Plutôt que de punir les incels ou d’interdire purement et simplement leurs communautés, il serait plus efficace de les aider à se réinsérer dans la société. »
L’étude
« “Don’t Work for Soyciety:” Involuntary Celibacy and Unemployment », par AnnaRose Beckett-Herbert et Eran Shor, a été publié dans Gender, Work & Organization.
DOI : 10.1111/gwao.13248
Aucun financement de source externe n’a contribué à cette recherche.
Journal
Gender Work and Organization
Method of Research
Literature review
Subject of Research
People
Article Title
“Don't Work for Soyciety:” Involuntary Celibacy and Unemployment
Article Publication Date
5-Feb-2025