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La vigilance et des actions de santé publique ciblées s’imposent face à l’épidémie de diphtérie qui affecte les populations vulnérables en Europe de l’Ouest depuis 2022

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Institut Pasteur

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Corynebacterium

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Credit: Institut Pasteur

Une étude publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM) révèle que la plus importante épidémie de diphtérie en Europe occidentale depuis 70 ans, qui s’est déclarée en 2022 parmi des personnes migrantes et s’est étendue en 2023 à d’autres populations vulnérables dans plusieurs pays européens, résulte de contaminations survenues au cours des voyages migratoires ou dans les pays européens de destination, et non dans les pays d’origine. Cependant, la zone géographique et les conditions de ces contaminations initiales restent encore inconnues. Un lien génétique entre la souche ayant circulé lors de l’épidémie de 2022 et une épidémie intervenue en 2025 en Allemagne a par ailleurs été établi, laissant penser que la bactérie continue de circuler à bas bruit en Europe occidentale. Tout en démontrant l'efficacité des programmes de vaccination pour la population générale, cette recherche, menée par une équipe internationale incluant des chercheurs de l'Institut Pasteur et des épidémiologistes de Santé Publique France, souligne l’importance de maintenir une vigilance importante et un accompagnement de santé publique dédiés à la diphtérie (vaccination, dépistage, examen clinique) auprès des populations vulnérables en Europe de l’Ouest.

En 2022, plusieurs pays européens ont observé un pic inhabituel de cas d’infections par la bactérie responsable de la diphtérie (Corynebacterium diphtheriae), principalement chez des personnes migrantes récemment arrivées en Europe. 362 cas ont ainsi été recensés cette année-là en Europe par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Fin 2022, des mesures d'intervention rapide telles que la recherche des contacts et le dépistage des cas secondaires ont permis d'atténuer l'épidémie. Ainsi, en 2023, 123 cas ont été recensés en Autriche, en France, en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni (March 2025 - Emerging Infectious Diseases). Malgré ce reflux, des contaminations rares ont été observées dans ces pays au sein des populations de migrants et d’autres populations vulnérables, en particulier les personnes sans domicile fixe, depuis 2022 et jusqu’à aujourd’hui. Au total, 536 cas, dont au moins trois décès, ont été recensés en Europe depuis le début de l’épidémie de 2022.

Des précisions épidémiologiques, mais une origine et une ampleur encore inconnues

Les chercheurs et chercheuses ont analysé 363 isolats provenant de 362 patients dans dix pays européens. Les données révèlent que 98% des patients étaient des hommes, avec un âge médian de 18 ans, dont 96% avaient récemment migré vers l'Europe. La majorité des infections (77%) étaient cutanées, avec 15% de formes respiratoires, plus graves.

L'étude démontre que l'épidémie, qui a principalement touché des populations migrantes originaires d'Afghanistan et de Syrie, ne résulte pas d’une contamination initiale dans ces pays d’origine, mais au cours des voyages migratoires ou dans les lieux d’hébergement dans les pays européens. En effet, l’analyse génomique des souches bactériennes en circulation au cours de l’épidémie a montré une très forte proximité génétique entre les souches observées chez des personnes originaires de pays différents, ce qui implique l’existence d’un point de contact récent, hors du pays d’origine, ayant permis les contaminations. L’hypothèse la plus probable est que ce point de contact soit un ou plusieurs lieux fréquenté(s) par les personnes migrantes au cours de leur voyage depuis leur pays d’origine ou dans les pays de destination. L’ampleur exacte de l’épidémie reste par ailleurs difficile à déterminer en raison des limites du dépistage auprès de ces populations vulnérables.

Des résultats significatifs pour la santé publique

« Cette étude souligne l'importance cruciale de la surveillance épidémiologique transfrontalière et de la collaboration internationale dans la réponse aux épidémies », déclare le Pr Sylvain Brisse de l'Institut Pasteur, l'un des coordinateurs de l'étude. « Le partage rapide des données de séquençage entre les pays a permis de définir les caractéristiques communes des souches de diphtérie et d'adapter la réponse sanitaire. »

Devant les inconnues importantes qui persistent face à cette épidémie, les experts de santé publique appellent à la vigilance et au renforcement des actions de santé publique envers les populations vulnérables en Europe occidentale : sensibilisation des médecins et plus largement des personnes en contact avec les populations vulnérables concernées par les symptômes de la maladie, vérification des statuts vaccinaux, vaccinations, antibiothérapies adaptées, etc. De manière générale, les résultats mettent en évidence la nécessité de renforcer la surveillance des maladies infectieuses dans les populations vulnérables, d’améliorer l'accès aux soins et à la vaccination pour les populations migrantes et de maintenir une vigilance accrue face à l'émergence de résistances aux antibiotiques.

Isabelle Parent du Châtelet, responsable d’unité à Santé Publique France précise que « l'étude montre à quel point il est important de veiller à ce que les vaccinations contre la diphtérie soient à jour en particulier pour les groupes de population vulnérables et que la diphtérie représente un risque notamment chez les personnes migrantes, les personnes sans domicile fixe, les consommateurs de drogues injectables, les personnes non vaccinées et les personnes âgées souffrant de maladies préexistantes, ainsi que les personnes ayant des liens professionnels avec ces groupes. Cela signifie également que les cliniciens doivent prêter attention aux symptômes courants de la diphtérie, en particulier lorsque leurs patients ont un lien professionnel ou autre avec ces populations vulnérables. »

Une recherche collaborative d'envergure internationale

Cette étude a été réalisée grâce au soutien financier de l'Institut Pasteur et de Santé publique France, dans le cadre des missions du Centre National de Référence (CNR) de la diphtérie. Ce centre a été nommé récemment comme l’un des membres du centre Européen de Référence pour la Diphtérie et la Coqueluche, soutenu par l’ECDC et l’UE. Cette étude s'inscrit dans une démarche concertée de surveillance et de contrôle de la diphtérie en Europe conduite par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et un consortium ad hoc composé des institutions de recherche et de santé publique des pays concernés.


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