L’autophagie, mot qui signifie « s’auto-manger » en grec, est un mécanisme cellulaire fondamental qui préserve la santé des cellules en recyclant et en dégradant les composantes usées ou dysfonctionnelles. Processus essentiel pour « faire le ménage » de l’organisme, l’autophagie joue également un rôle clé dans le renforcement de l’immunité. Elle entre en jeu lorsque les cellules sont confrontées à des facteurs de stress comme la famine ou une infection afin d’éliminer les bactéries, les virus et autres menaces.
Mais l’autophagie n’est pas monolithique. Les scientifiques font la distinction entre « l’autophagie non sélective », qui élimine tous les morceaux de matière cellulaire sans distinction, et « l’autophagie sélective », qui cible avec précision les organites endommagés, les protéines mal repliées ou les agents pathogènes pour les détruire. Le processus peut être activé par un stress physiologique et environnemental, allant de la privation de nutriments aux toxines chimiques et aux infections.
Si l’autophagie est essentielle à la santé cellulaire, sa dérégulation a de graves conséquences et contribue à l’apparition de maladies comme le cancer et les troubles neurodégénératifs.
Dans une récente étude publiée dans le Journal of Cell Biology, une équipe de recherche de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa a découvert un processus optimisé qui révèle de nouveaux mécanismes de signalisation régulant l’autophagie en réponse à de nombreuses conditions de stress en lien avec la maladie.
En mettant au jour certains régulateurs de l’autophagie propres au stress, l’équipe a jeté les bases de nouvelles méthodes qui serviront à en déchiffrer la régulation moléculaire, ce qui pourrait accélérer le transfert des connaissances de la recherche vers la pratique clinique.
De plus, l’équipe a constitué un riche ensemble de données qui facilitera les études multidisciplinaires portant sur un large éventail de questions biomédicales.
Exploration du mystère cellulaire
Des travaux récents ont révélé que les anomalies de l’autophagie associées à la maladie sont souvent dues à une mauvaise gestion de certaines « cargaisons » cellulaires particulières. Par exemple, on observe l’accumulation d’agrégats protéiques dans les troubles neurodégénératifs, et la présence de mitochondries endommagées dans les cas de cancer. Ces exemples montrent à quel point la bonne régulation de l’autophagie et sa capacité à cibler des types précis de cargaisons cellulaires sont essentielles pour prévenir les maladies et maintenir la fonction des cellules. La compréhension de ces mécanismes est nécessaire pour trouver de nouvelles approches thérapeutiques qui corrigeront les défaillances de l’autophagie.
C’est ce qui a poussé Maxime Rousseaux, Ph.D., professeur adjoint au Département de médecine cellulaire et moléculaire, et Ryan Russell, Ph.D., professeur agrégé au même département et auteur principal de l’étude, à se demander s’ils pouvaient réaliser la première analyse comparative des voies qui régissent la destinée de ces différentes cargaisons.
Le professeur Rousseaux, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en génomique personnalisée de la neurodégénérescence, est co-auteur de l’étude. Son expertise en criblage génétique a joué un rôle déterminant pour adapter la méthodologie employée dans le cadre de la recherche. Son intérêt pour le sujet est étroitement lié à ses travaux sur les maladies neurodégénératives, et il accorde une attention particulière aux anomalies de l’autophagie caractéristiques de ces pathologies.
Ensemble, les deux chercheurs voulaient établir un cadre complet et des ressources pour faire progresser la compréhension scientifique fondamentale et ouvrir de nouvelles avenues d’interventions thérapeutiques.
Utilisation ambitieuse d’une technologie de pointe
Pour y arriver, l’équipe a procédé à des criblages CRISPR sur le kinome entier afin de détecter les voies de signalisation distinctes qui régissent les différentes formes d’autophagie. Cette méthode fait appel à une technologie de criblage groupé pour étudier systématiquement la fonction des protéines kinases, une importante famille de protéines qui régulent de nombreux processus cellulaires.
Le professeur Russell explique que les kinases sont particulièrement intéressantes pour la création de nouveaux médicaments. Leur potentiel à cet égard est énorme et elles sont donc souvent la cible des interventions thérapeutiques.
Truc Losier, doctorante supervisée par les professeurs Rousseaux et Russell, a mis au point, dans leurs laboratoires, un nouveau processus adapté pour faire la cartographie comparative des voies envisagée par les deux chercheurs. Si le criblage CRISPR conventionnel permet d’étudier l’ensemble du génome et de découvrir de nouveaux gènes et voies métaboliques, l’utilisation de plusieurs criblages parallèles facilite quant à elle le processus de vérification des cibles.
Selon le professeur Russell, la nouvelle méthodologie incorporait simultanément quatre ou cinq criblages génétiques.
En intégrant les résultats issus de ces multiples jeux de données, l’équipe de recherche a pu effectuer des comparaisons directes spécifiques aux organites. Cette approche, mise en œuvre avec minutie par Truc Losier, visait à générer de grands ensembles de cellules génétiquement modifiées et à les soumettre à des conditions de stress brèves et intenses pendant trois à six heures seulement, contrairement au protocole habituel de sept jours, pour observer les premières phases de l’autophagie.
Le professeur Russell décrit l’ampleur et la précision du travail de la doctorante, le qualifiant d’exceptionnellement ambitieux et « d’analyse de grande portée réalisée dans une fenêtre d’action très étroite ». L’étude a révélé l’existence d’une série de mécanismes régulateurs bien précis qui n’avaient jamais été observés auparavant dans la recherche sur l’autophagie.
La stratégie de criblage personnalisé mise au point par l’équipe, en plus d’améliorer la compréhension de l’autophagie, est prometteuse pour les chercheuses et chercheurs de toutes disciplines qui utilisent des jeux de données intégrés et qui mènent des expériences produisant des résultats rapides. Le professeur Russell insiste sur les vastes retombées de cette approche innovatrice pour les gens qui étudient les processus cellulaires complexes, soulignant la volonté de son laboratoire de mettre au jour la dynamique de régulation de l’autophagie dans les tissus sains et malades.
La Plateforme de biologie moléculaire et d’édition génomique relève le défi de la recherche
L’équipe a travaillé dur pour mettre au point sa méthodologie de criblage et, pour ce faire, elle a pu profiter d’un laboratoire innovateur : la Plateforme de biologie moléculaire et d’édition génomique (BMEG) de la Faculté de médecine. Cette plateforme technologique de l’Université d’Ottawa donne accès à des techniques d’édition génomique et de clonage de l’ADNc de pointe.
« C’était le premier criblage réalisé dans ces installations. Les nouvelles possibilités qu’elles nous offrent en édition du génome repoussent les limites de ce qui est techniquement possible », explique le professeur Russell, co-directeur de la plateforme de BMEG aux côtés du professeur Rousseaux.
Forte des nouvelles connaissances qui ont fait l’objet de son article, l’équipe de l’Université d’Ottawa va maintenant tenter de savoir si les kinases et les voies de signalisation qu’elle a découvertes peuvent servir à réguler l’immunité innée.
« Nous aimerions voir si nous pouvons moduler les infections pathogènes à l’aide d’approches pharmacologiques en ciblant certaines de ces kinases », conclut le professeur Russell.
Journal
Journal of Cell Biology
Method of Research
Computational simulation/modeling
Subject of Research
Cells
Article Title
Identification of organelle-specific autophagy regulators from tandem CRISPR screens
Article Publication Date
21-Aug-2025