La prolifération d’algues observée de plus en plus fréquemment dans les lacs canadiens au cours des dernières décennies a été associée à la pollution par les nutriments issus des eaux de ruissellement agricoles et au changement climatique. Cependant, une nouvelle étude menée par l’Université Concordia, qui recourt au séquençage de l’ADN des microbes présents dans les fonds lacustres, révèle que ces facteurs se renforcent mutuellement d’une manière qui nuit à la santé des écosystèmes lacustres.
Grâce à des profils et à des échantillons provenant de l’International Institute for Sustainable Development Experimental Lakes Area (ELA) – un groupe de 58 lacs du nord-ouest de l’Ontario désignés comme installations de recherche sur l’eau douce –, l’équipe de recherche a combiné des données de surveillance environnementale remontant à plus de cinq décennies avec des reconstructions paléogénétiques à partir de microbes lacustres datant de plus d’un siècle.
En séquençant l’ADN trouvé dans les sédiments lacustres, l’équipe a pu connaître la composition des communautés d’algues d’autrefois, et les comparer à celles d’aujourd’hui. Cette comparaison a permis de mieux comprendre comment ces communautés ont évolué au fil des décennies.
« Les archives d’ADN des sédiments nous ont fourni une chronologie de l’histoire de ces lacs », indique Rebecca Garner (Ph. D. 2023), auteure principale et actuellement boursière postdoctorale à l’Université de la Californie à Berkeley. « Il s’agit de la première étude démontrant que nous pouvons reconstituer la dynamique communautaire de cet écosystème et élargir considérablement la diversité des micro-organismes que nous avons pu étudier. »
L’étude est parue dans la revue Environmental Microbiology.
Une double menace
L’équipe de recherche a examiné des échantillons de sédiments provenant de cinq lacs de l’ELA. Trois d’entre eux avaient été fertilisés avec du phosphore et d’autres nutriments, tandis que les deux autres n’avaient subi aucune manipulation.
Les échantillons des lacs fertilisés ont révélé des changements rapides et profonds dans les communautés algales, entraînant des proliférations persistantes. Ces proliférations d'algues sont un signe évident d'eutrophisation, un processus dans lequel un excès de nutriments stimule la croissance des algues qui consomment l'oxygène du lac, tuant les poissons et rendant le lac impropre aux loisirs.
Les lacs non fertilisés ne présentaient aucun signe de changement soudain. Cependant, on a remarqué une croissance progressive de la communauté algale vers 1980, lorsque les températures régionales ont commencé à augmenter de manière forte et soutenue.
À l’aide de techniques de modélisation statistique, l’équipe a pu observer comment les communautés algales évoluaient en réponse aux fluctuations des nutriments et du climat. Elle a constaté que les réactions les plus fortes se produisaient lorsque les nutriments et le climat agissaient tous deux sur l’écosystème.
Le contraste entre les réactions des communautés algales montre que l’eutrophisation est exacerbée par les effets combinés de la pollution et du réchauffement sur l’écosystème. Ensemble, ces facteurs contribuent à rendre l’écosystème plus instable et vulnérable aux stress induits par le changement climatique.
« Ce travail vient élargir les activités de surveillance menées à l’ELA en y ajoutant une composante liée à l’ADN ancien », explique David Walsh, coauteur de l’étude, directeur de thèse de Rebecca Garner et professeur au Département de biologie de la Faculté des arts et des sciences.
« Cette nouvelle méthodologie nous permet de remonter plus loin dans le temps et d’adopter une vision plus large de la communauté qui évolue dans la colonne d’eau. Elle démontre qu’il existe une interaction synergique entre le changement climatique et l’apport en nutriments, qui entraîne des réactions plus rapides au sein de la communauté microbienne. Nous n’aurions pas pu observer ce phénomène sans les approches paléogénétiques. »
Parmi les chercheuses et chercheurs ayant contribué à l’étude figurent Zofia Taranu, d’Environnement et Changement climatique Canada, Scott Higgins et Michael Paterson, de l’International Institute for Sustainable Development Experimental Lakes Area, ainsi qu’Irene Gregory-Eaves, de l’Université McGill.
L’étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies, le Programme des chaires de recherche du Canada et Stephen Bronfman.
Lisez l’article cité : « Eutrophication and Warming Drive Algal Community Shifts in Synchronised Time Series of Experimental Lakes ».
Journal
Environmental Microbiology
Method of Research
Data/statistical analysis
Subject of Research
Not applicable
Article Title
Eutrophication and Warming Drive Algal Community Shifts in Synchronised Time Series of Experimental Lakes
Article Publication Date
24-Jul-2025
COI Statement
The authors declare no conflicts of interest.