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La matière noire ne défie pas la gravité

Une équipe conduite par l’UNIGE montre que le composant le plus mystérieux de notre Univers obéirait aux lois de la physique classique. Mais un doute subsiste.

Peer-Reviewed Publication

Université de Genève

La matière noire suit-elle les mêmes lois que la matière ordinaire? Le mystère reste entier au sujet de ce composant invisible et hypothétique de notre Univers, qui n’émet ni ne réfléchit la lumière. Une équipe de recherche conduite par l’Université de Genève (UNIGE) a voulu savoir si, à l’échelle cosmologique, cette matière tombait de la même façon que la matière ordinaire ou si d’autres forces entraient en jeu. Ses résultats, publiés dans Nature Communications, suggèrent un comportement similaire, tout en laissant ouverte la possibilité d’une interaction encore inconnue. Cette avancée éclaire un peu mieux les propriétés de cette matière insaisissable, cinq fois plus abondante que la matière ordinaire.


La matière ordinaire obéit à quatre forces bien connues: la gravitation, l’électromagnétisme, la force forte et la force faible, les deux dernières  agissant à l’échelle atomique. Mais qu’en est-il de la matière noire? Invisible et insaisissable, elle pourrait être soumise aux mêmes lois ou relever d’une cinquième force, encore inconnue.


Pour percer ce mystère, une équipe conduite par l’UNIGE s’est demandé si, à l’échelle du cosmos, cette matière «tombait» de la même manière que la matière ordinaire dans les puits gravitationnels. Sous l’influence de la gravitation des corps célestes, l’espace occupé par notre Univers se déforme, générant des «puits». La matière ordinaire – ici les planètes, les étoiles ou les galaxies – y tombe selon des lois physiques bien connues, comme la fameuse théorie de la relativité générale d’Einstein ou les équations d’Euler. Mais quid de la matière noire?


«Pour répondre à cette question, nous avons comparé les vitesses auxquelles les galaxies bougent dans l’Univers avec la profondeur des puits gravitationnels», explique Camille Bonvin, professeure associée au Département de physique théorique de la Faculté des sciences de l’UNIGE, co-auteure de l’étude. «Si la matière noire n’est pas sujette à une cinquième force, alors les galaxies – qui sont majoritairement faites de matière noire – vont tomber dans les puits comme de la matière ordinaire, uniquement soumise à la gravitation. En revanche, s’il existe une cinquième force agissant sur la matière noire, elle va influencer le mouvement des galaxies, qui du coup vont tomber dans les puits de manière différente. En comparant la profondeur des puits avec la vitesse des galaxies, on peut donc tester la présence d’une telle force».


Les équations d’Euler encore valides

En appliquant cette approche aux données cosmologiques actuelles, l’équipe de recherche est arrivée à la conclusion que la matière noire tombe dans les puits gravitationnels de la même manière que la matière ordinaire. Et qu’elle répond ainsi aux équations d’Euler.


«À ce stade, ces conclusions ne nous permettent toutefois pas d’exclure la présence d’une force inconnue. Mais si cette cinquième force existe, elle ne peut pas être plus grande que 7 % de la force de la gravitation, auquel cas elle serait apparue dans nos analyses», indique Nastassia Grimm, première auteure de l’étude et ancienne chercheuse postdoctorante au Département de physique théorique de la Faculté des sciences de l’UNIGE, qui a récemment rejoint l’Institut de cosmologie et de gravitation de l’Université de Portsmouth.


Ces premiers résultats marquent une avancée majeure dans la caractérisation de la mystérieuse matière noire. La prochaine étape consistera à préciser l’existence, ou non, d’une cinquième force la régissant. «Les futures données issues des expériences les plus récentes, telles que LSST et DESI, seront sensibles à une force aussi petite que 2 % de la gravitation. Elles devraient donc nous permettre d’en apprendre encore davantage sur le comportement de la matière noire», conclut Isaac Tutusaus, chercheur à l’ICE-CSIC et à l’IEEC, professeur associé à l’IRAP, Observatoire Midi-Pyrénées, Université de Toulouse, coauteur de l’étude.


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