Des chercheurs de lInstitut Paul Scherrer PSI ont développé une nouvelle méthode pour analyser les particules fines de manière encore plus détaillée. Elle leur a permis de réfuter la doctrine selon laquelle les molécules contenues dans les poussières fines ne subissent plus de réactions chimiques parce quelles font partie de la phase condensée. A la chambre à smog du PSI, ils ont analysé des composés chimiques directement dans les particules fines et observé la dégradation de molécules avec le dégagement dacide formique dans latmosphère qui en résultait, par exemple. Ces éléments de connaissance vont permettre de mieux comprendre les processus qui ont lieu à léchelle mondiale dans la formation des nuages et la pollution atmosphérique, mais aussi daffiner les modèles correspondants. Ces résultats danalyse paraissent à présent dans la revue spécialisée Science Advances.
Le promeneur qui sent lodeur aromatique qui se dégage dune forêt de conifères inhale de lα-pinène (ou alpha-pinène). Il sagit de lun des composés organiques volatils que contiennent les huiles des conifères et est présent également dans leucalyptus et le romarin. Son odeur déclenche des sensations agréables chez la plupart des gens. Ce qui est moins agréable, en revanche, cest que sous laction de certains radicaux, lα-pinène se transforme dans latmosphère en dautres composés appelés molécules organiques hautement oxydées. Certaines de ces molécules sont des substances réactives, parfois nocives. Cela fait quelques années seulement quelles se trouvent dans la ligne de mire des chercheurs spécialistes de latmosphère et leur rôle dans la formation des nuages, par exemple, nest pas encore bien compris.
Ces molécules organiques hautement oxydées sont moins volatiles que la substance de départ, lα-pinène, et se condensent donc facilement. Avec des particules de poussière, et dautres substances solides et liquides présentes dans lair, elles forment ce que lon appelle des particules fines ou aérosols.
«Jusquà maintenant, on pensait quune fois quelles se retrouvaient dans les particules fines, les molécules de ce type étaient protégées de transformations ultérieures, explique André Prévôt du Laboratoire de chimie de latmosphère au PSI. On croyait quelles ne changeaient plus une fois incorporées dans la particule, et quelles se répartissaient simplement dans latmosphère et finissaient par retomber avec la pluie.»
Mais, comme les chercheurs du PSI emmenés par André Prévôt viennent de le démontrer, cette opinion largement répandue ne correspond pas à la réalité: «Les réactions se poursuivent aussi dans les particules fines.» Les molécules restent réactives: soit elles réagissent les unes avec les autres pour former de plus grandes molécules, soit elles se désintègrent en dégageant par exemple de lacide formique. Ce composé très répandu ne se retrouve pas seulement chez les fourmis et les orties, mais aussi dans latmosphère où il constitue un indicateur important de pollution de lair.
Les observations des chercheurs du PSI contribuent à améliorer les modèles de simulation, par exemple ceux qui portent sur la formation des nuages et la pollution atmosphérique. Ces modèles reproduisent les processus qui se jouent dans latmosphère pour, par exemple, prédire limpact dune réduction de certaines émissions sur la qualité de lair.
De laérosol à lappareil de mesure
Les chercheurs du PSI ont été les premiers à analyser des composés chimiques directement dans les particules fines, sous conditions atmosphériques. Pour ce faire, ils ont utilisé la chambre à smog du PSI dans laquelle il est possible de simuler les processus qui ont lieu dans latmosphère. Les chercheurs ont injecté une petite quantité dα-pinène dans cette chambre et ont laissé le composé réagir avec ozone. Durant 15 heures, ils ont observé ce qui se passait et identifié les composés chimiques qui se formaient à partir de lα-pinène et ceux qui finissaient par disparaître.
Ces observations ont été rendues possible grâce à ce que lon appelle un EESI-TOF (extractive electrospray ionization time-of-flight mass spectrometer ou spectromètre de masse à temps de vol avec une source électrospray extractive). Il sagit dun nouvel appareil danalyse que les chercheurs ont développé en collaboration avec lentreprise Tofwerk, à Thoune, pour réaliser des mesures atmosphériques. «Cet appareil peut aussi détecter de grandes molécules directement dans laérosol, détaille Urs Baltensperger, spécialiste de chimie de latmosphère. Alors que les méthodes de mesure plus anciennes décomposent au préalable les molécules à haute température afin dobtenir de plus petits fragments.» Le nouvel appareil ionise sans fragmentation. «Nous pouvons détecter chaque molécule séparément», précise encore Urs Baltensperger.
Avec laide du PSI, Tofwerk a entre-temps commencé à commercialiser lappareil pour que dautres chercheurs spécialistes de latmosphère puissent eux aussi profiter de cette nouvelle méthode.
Mesures à Zurich
La nouvelle méthode danalyse nest pas seulement exploitable en laboratoire, elle peut aussi être utilisée directement sur le terrain. Durant lhiver 2018/2019 et lété 2019, des chercheurs du PSI sen sont servi pour mesurer les particules fines présentes dans lair dans la ville de Zurich.
Or il sest avéré quen été, les particules fines zurichoises étaient composées pour un bon tiers de produits de réactions de lα-pinène et de molécules similaires. En hiver, en revanche, ce sont les émissions des installations de chauffage au bois et leurs produits de réaction qui dominent.
Les chercheurs ont planifié des campagnes de mesure en Chine et en Inde, où ils comptent mener des analyses pour identifier les molécules qui se forment dans une métropole de plusieurs millions dhabitants.
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Les résultats de lanalyse paraissent le 13 mars 2020 dans la revue spécialisée Science Advances.
Texte: Institut Paul Scherrer/Brigitte Osterath
À propos du PSI
L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l'énergie et l'environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 2100 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 407 millions. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant l'ETH Zurich, l'EPF Lausanne, l'Eawag (Institut de Recherche de l'Eau), l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage). La publication 5232 Le magazine de lInstitut Paul Scherrer vous donne un aperçu de la recherche passionnante du PSI avec des points focaux changeants trois fois par an.
Contact/interlocuteurs
Prof. André Prévôt
Laboratoire de chimie de latmosphère
Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 42 02, e-mail: andre.prevot@psi.ch [allemand, anglais]
Prof. Urs Baltensperger
Laboratoire de chimie de latmosphère
Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 24 08, e-mail: urs.baltensperger@psi.ch [allemand, anglais]
Dr. Veronika Pospisilova
Tofwerk
Schorenstrasse 39, 3645 Thun, Suisse
Téléphone: +41 78 646 1816, e-mail: veronika.pospisilova@tofwerk.com [allemand, anglais]
Publication originale
On the fate of oxygenated organic molecules in atmospheric aerosol particles
V. Pospisilova, F. D. Lopez-Hilfiker, D. M. Bell, I. El Haddad, C. Mohr, W. Huang, L. Heikkinen,
M. Xiao, J. Dommen, A. S. H. Prévôt, U. Baltensperger, J. G. Slowik
Science Advances, 13 mars 2020 (en ligne)
DOI: 10.1126/sciadv.aax8922
Informations supplémentaires
An extractive electrospray ionization time-of-flight mass spectrometer (EESI-TOF) for online measurement of atmospheric aerosol particles
F. D. Lopez-Hilfiker, V. Pospisilova, W. Huang, M. Kalberer, C. Mohr, G. Stefenelli, J. A. Thornton, U. Baltensperger, A. S. H. Prévôt, J. G. Slowik
Atmospheric Measurement Techniques, 11 septembre 2019 (en ligne)
DOI: 10.5194/amt-12-4867-2019
Organic aerosol source apportionment in Zurich using an extractive electrospray ionization time-of-flight mass spectrometer (EESI-TOF-MS) Part 1: Biogenic influences and daynight chemistry in summer
G. Stefenelli, V. Pospisilova, F. D. Lopez-Hilfiker, K. R. Daellenbach, C. Hüglin, Y. Tong, U. Baltensperger, A. S. H. Prévôt, J. G. Slowik
Atmospheric Chemistry and Physics, 10 décembre 2019 (en ligne)
DOI: 10.5194/acp-19-14825-2019
Organic aerosol source apportionment in Zurich using an extractive electrospray ionization time-of-flight mass spectrometer (EESI-TOF-MS) Part 2: Biomass burning influences in winter
L. Qi, M. Chen, G. Stefenelli, V. Pospisilova, Y. Tong, A. Bertrand, C. Hueglin, X. Ge, U. Baltensperger, A. S. H. Prévôt, J. G. Slowik
Atmospheric Chemistry and Physics, 20 juin 2019 (en ligne)
DOI: 10.5194/acp-19-8037-2019
Journal
Science Advances