image: Examining material from the 1970s excavations at the Musée d'archéologie nationale, France. Thousands of bone remains were sorted and 47 new fossil remains belonging to the Neandertal child 'La Ferrassie 8' were identified. view more
Credit: © Antoine Balzeau - CNRS/MNHN
Linhumation des morts a-t-elle été pratiquée par Néandertal ou est-ce une innovation propre à notre espèce ? Il existe des indices en faveur de la première hypothèse mais certains scientifiques restaient sceptiques. Pour la première fois en Europe, une équipe pluridisciplinaire impliquant notamment le laboratoire Histoire naturelle de lhomme préhistorique (CNRS/Muséum national dhistoire naturelle) (1) démontre avec des critères diversifiés quun enfant néandertalien a été inhumé par les siens probablement il y a près de 41 000 ans sur le site de la Ferrassie (Dordogne). Leur étude est publiée dans la revue Scientific Reports le 9 décembre 2020.
Des dizaines de squelettes enfouis de Néandertaliens ont été découverts en Eurasie, et certains scientifiques en ont déduit que, comme nous, Néandertal enterrait ses morts. Dautres étaient sceptiques car les fouilles qui ont révélé la plupart des squelettes les mieux conservés, au début du 20e siècle, nétaient pas menées avec les standards de qualité actuels.
Cest dans ce cadre quune équipe internationale (1) dirigée par les paléoanthropologues Antoine Balzeau, du CNRS et du Muséum national dHistoire naturelle, et Asier Gómez-Olivencia, de luniversité du Pays basque (Espagne), a analysé un squelette humain issu de lun des sites néandertaliens les plus célèbres en France : labri sous roche de La Ferrassie, en Dordogne. Après six squelettes néandertaliens découverts au début du 20e siècle, le site en avait livré un septième entre 1970 et 1973, appartenant à un enfant denviron 2 ans. Mais depuis près dun demi-siècle, les collections associées à ce spécimen restaient inexploitées dans les réserves du Musée darchéologie nationale.
Léquipe pluridisciplinaire rassemblée par les deux chercheurs a rouvert les carnets de fouilles et passé en revue le matériel collecté à lépoque, révélant 47 nouveaux os humains non identifiés lors des fouilles, appartenant sans aucun doute au même squelette. Les scientifiques ont aussi analysé de manière poussée les ossements : état de conservation, étude des protéines, génétique, datation Ils sont enfin retournés à La Ferrassie dans lespoir de retrouver dautres fragments du squelette en vain. Mais ce retour sur le terrain, associé aux carnets de leurs prédécesseurs, a permis de reconstituer et dinterpréter la distribution spatiale des restes humains et des rares ossements animaux associés.
Les chercheurs et chercheuses ont montré que le squelette reposait dans une couche de sédiments inclinée vers louest (la tête, à lest, plus haute que le bassin), alors que les autres couches stratigraphiques du site sont inclinées vers le nord-est. La position des os, relativement peu dispersés, restait conforme à lanatomie. Leur conservation, meilleure que celle des os de bison et dautres herbivores retrouvés dans la même strate, indique un enfouissement rapide après la mort. Par ailleurs, le contenu de cette couche sest révélé plus jeune que les sédiments alentours (2). Enfin, un minuscule ossement, identifié comme humain par les protéines conservées en son sein et comme néandertalien par son ADN mitochondrial, a été daté directement grâce par la méthode du carbone 14. Âgé de 41 000 ans environ, cela en fait lun des plus récents restes néandertaliens datés directement.
Le corps dun enfant néandertalien de deux ans a donc bien été déposé dans une fosse creusée dans une couche sédimentaire, probablement il y a 41 000 ans. Dautres découvertes seront nécessaires pour comprendre la chronologie et lextension géographique des pratiques funéraires de Neandertal.
###
Notes
(1) Les autres contributeurs à cette étude travaillent à lInstitut de recherche sur les archéomatériaux - Centre de recherche en physique appliquée à larchéologie (CNRS/Université Bordeaux Montaigne), au laboratoire Géosciences Rennes (CNRS/Université Rennes 1), au laboratoire De la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (CNRS/Université de Bordeaux/Ministère de la Culture), au Musée darchéologie nationale et au Musée national de Préhistoire des Eyzies-de-Tayac en France ; à lInstitut Max-Planck d'anthropologie évolutionniste en Allemagne ; à luniversité de Bologne en Italie ; à luniversité de Copenhague au Danemark ; à luniversité du Pays basque en Espagne.
(2) Datés par thermoluminescence. Le résultat indique depuis quand le sédiment na pas vu la lumière, et donc la date de son enfouissement.
Journal
Scientific Reports