Certaines personnes sont préoccupées par les conséquences futures du changement climatique et dautres non, les considérant trop lointaines pour avoir un impact sur leur bien-être. Des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE) se sont demandés comment ces différences de préoccupation se traduisent dans le cerveau. Grâce à la neuro-imagerie, ils ont observé que les personnes jugées «égoïstes» nutilisent pas la zone du cerveau qui permet de se projeter dans un futur lointain et dimaginer lavenir, contrairement aux personnes «altruistes», chez qui cette zone connaît une grande activité. Ces résultats, à lire dans la revue Cognitive, Affective & Behavioral Neuroscience, peuvent permettre aux psychologues dimaginer des exercices faisant travailler cette zone spécifique du cerveau, afin dentraîner la capacité de projection des gens et de les sensibiliser, par exemple, aux conséquences du changement climatique.
Les préoccupations de lêtre humain sont construites par ses valeurs. Ce sont elles qui déterminent si la personne privilégie son bien-être personnel ou se met sur un pied dégalité avec ses semblables. Cest pourquoi, pour inciter un maximum de gens à adopter un comportement «durable», il faut quils se sentent concernés par les conséquences du changement climatique. En effet, certaines personnes centrées sur elles-mêmes ne sen inquiètent pas, jugeant ces éventuelles catastrophes trop lointaines.
«Nous nous sommes alors demandé ce que limagerie à résonance magnétique (IRM) peut nous apprendre sur la manière dont le cerveau traite les informations sur les conséquences du changement climatique dans le futur, et comment ce mécanisme diffère en fonction du caractère auto-centré ou non de la personne», explique Tobias Brosch, professeur à la Section de psychologie de la Faculté de psychologie et des sciences de léducation (FPSE) de lUNIGE.
Légoïste ne craint que ce qui le concerne directement
Pour ce faire, les psychologues de lUNIGE ont relevé dans le rapport «Groupe dexperts intergouvernemental sur lévolution du climat (GIEC)» les prédictions des conséquences du changement climatique, comme la diminution des réserves deau potable, laugmentation de conflits aux frontières des pays ou encore laugmentation des catastrophes naturelles. Ils ont ensuite attribué une année plus au moins lointaine à chacune de ces conséquences, annonçant quand elle se produira.
Léquipe de Tobias Brosch a ensuite fait remplir un questionnaire standardisé pour mesurer des hiérarchies de valeurs à un panel de participants, marquant les tendances égoïstes ou altruistes de chacun. Ceux-ci ont pris place un par un dans lIRM, puis ont été confrontés aux conséquences datées et devaient répondre à deux questions sur une échelle de 1 à 8 : Est-ce grave ? Avez-vous peur ?
«Le premier résultat que nous avons obtenu est que pour les personnes à tendance égoïste, le futur proche est beaucoup plus préoccupant que le futur lointain qui se déroulera après leur mort, alors que chez les personnes altruistes, cette différence disparaît, la gravité étant perçue comme identique», expose Tobias Brosch.
Légoïsme rend le cerveau paresseux
Les psychologues se sont ensuite concentrés sur lactivité du cortex ventromédian préfrontal (VMPFC), une zone du cerveau située au-dessus des yeux et utilisée lorsque le sujet se projette dans lavenir et tente de le visualiser. «Nous avons constaté que chez les personnes altruistes, cette zone cérébrale sactive plus fortement lorsque le sujet est confronté à des conséquences dun futur lointain par rapport au futur proche, alors que chez une personne égoïste, il ny a pas daugmentation dactivité entre une conséquence dans le futur proche et une autre dans le futur lointain», senthousiasme Tobias Brosch.
En effet, cette région est principalement utilisée pour se projeter dans un avenir lointain. Labsence daugmentation dactivité chez une personne auto-centrée indique labsence de projection et le fait que celle-ci ne se sente pas concernée par ce qui se passera après sa mort. Dès lors, pourquoi adopter un comportement durable ?
Faire travailler sa capacité de projection
Applicables à dautres domaines que le changement climatique, ces résultats démontrent limportance de pouvoir se projeter dans un futur lointain afin dadapter son comportement aux réalités du monde. «Nous pourrions imaginer un entrainement psychologique qui ferait travailler cette zone cérébrale avec des exercices de projection, propose Tobias Brosch, notamment grâce à la réalité virtuelle, qui rendrait visible à tout un chacun le monde de demain, rapprochant lêtre humain des conséquences de ses actes.»
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