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Comment la mouche sélectionne son mâle reproducteur

Des chercheurs de l’UNIGE ont découvert une très petite protéine qui joue un rôle primordial dans la sélection du sperme qui fertilisera les œufs de la drosophile, lorsque celle-ci s’accouple avec plusieurs mâles.

Peer-Reviewed Publication

Université de Genève

How the fly selects its reproductive male

image: Drosophila accessory glands consisting of two cell types (green "secondary cells" surrounded by red nuclei of the "main cells"). view more 

Credit: © Robert Maeda

Même un génome très bien caractérisé, comme celui de la drosophile ou mouche du vinaigre, réserve encore des surprises. En s’intéressant aux ARNs codant pour les protéines présentes dans le liquide séminal de la Drosophila melanogaster, une équipe de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l’Université Cornell (USA) et l’Université de Groningen (Pays-Bas), a découvert un ARN codant pour un micro-peptide – une toute petite protéine – qui exerce un rôle crucial dans la compétition des spermatozoïdes provenant des différents mâles avec lesquels la femelle s’accouple. En plus d’apporter un nouvel éclairage sur ce mécanisme biologique, ces travaux, à lire dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), soulignent l’importance des petits peptides, une classe de protéines qui apparaît aujourd’hui comme un acteur important dans des processus biologiques complexes.

Chez de nombreuses espèces, dont les insectes, l’accouplement induit des changements physiologiques chez la femelle dans le but d’augmenter le succès de reproduction du couple. Cette réponse, qui survient à l’accouplement, est induite par des substances contenues dans le liquide séminal du mâle qui interagissent avec le système reproducteur de la femelle. Parmi ces changements post-coïtaux figurent: l’augmentation de l’ovulation et de la ponte des œufs, le stockage et la libération des spermatozoïdes, les changements alimentaires et la croissance des intestins. Une femelle accouplée devient également moins réceptive aux autres mâles qui la sollicitent et peut utiliser pendant de nombreux jours les spermatozoïdes stockés dans sa spermathèque lors du premier rapport. Ce dernier comportement est cependant contre-balancé par le phénomène de «préférence pour le dernier mâle». En effet, malgré la baisse de libido normalement induite par un premier rapport, les femelles décident parfois de s’accoupler avec un nouveau mâle plus sain ou plus fort, sans doute dans le but d’avoir une descendance plus robuste. Dans ce cas, le sperme du premier mâle est chassé pour ne conserver que celui du dernier mâle.

Un petit peptide au grand rôle dans la sélection du sperme

Les auteur-es de cette étude se sont intéressé-es à ce phénomène chez la drosophile, cette petite mouche qui se plait tant dans les corbeilles de fruits. Cet organisme modèle, très prisé des chercheurs/euses pour les études génétiques et développementales, permet aisément l’observation et l’étude des comportements lors de la reproduction. Les biologistes ont analysé les protéines produites par la glande accessoire, homologue fonctionnelle de la prostate chez l’homme. «Parmi les protéines indispensables à une réponse normale après un accouplement que nous avons identifiées, figure un micro-peptide, une toute petite protéine qui n’avait jusqu’à présent jamais été étudiée, l’ARN qui la code étant considéré comme ‘non-codant’», constate Clément Immarigeon, premier auteur de cette étude menée dans le Département de génétique et évolution de la Faculté des sciences de l’UNIGE.

Afin de vérifier si ce peptide jouait finalement un rôle déterminant, les chercheurs/euses ont créé des mutants qui ne le possèdent plus. Chez les femelles d’abord accouplées par un mâle mutant, le phénomène de «préférence du dernier mâle» n’est plus observé. En effet, si elles sont ensuite accouplées par un autre mâle, elles pondent des œufs fécondés par le sperme des deux mâles, et non plus exclusivement par le dernier géniteur, ce qui pourrait diminuer la robustesse de leur descendance. «A notre grande surprise, nous avons découvert que ce micro-peptide – codé par un transcrit supposé non codant – remplit des fonctions reproductives importantes. De tels micro-peptides n’étaient pas reconnus auparavant, mais apparaissent comme des acteurs importants dans des processus biologiques complexes», résume Robert Maeda, chercheur au Département de génétique et évolution de l’UNIGE et dernier auteur de l’étude.

Un pas dans la direction de l’insecte stérile

L’étude de ces phénomènes induits par l’accouplement présente un intérêt tout particulier chez certaines espèces d’insectes responsables de problèmes sanitaires, économiques ou environnementaux. Une alternative biologique aux insecticides non-sélectifs est la méthode de «l’insecte stérile», qui permet de limiter des populations nuisibles en libérant par millions dans la nature des mâles stérilisés pour empêcher les femelles de s’accoupler avec les mâles sauvages fertiles. Mieux comprendre la réponse post-accouplement permettra de développer des méthodes de lutte biologique encore plus efficaces.

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