Le paludisme, responsable de centaines de milliers de décès chaque année, essentiellement des enfants et plus particulièrement en Afrique, est une des plus fortes causes de mortalité provoquée par un agent infectieux, le parasite Plasmodium falciparum. La mutation génétique entraînant une anémie falciforme (drépanocytose), maladie chronique souvent mortelle chez les enfants de moins de cinq ans, a très tôt attiré lattention de la communauté scientifique pour la protection que cette mutation confère contre le paludisme. Grâce à une étude approfondie de la mutation βS réalisée par lintermédiaire du séquençage complet du gène HBB couplé à une vaste analyse génomique menée sur 479 individus issus de 13 populations dAfrique subsaharienne, les chercheurs de lInstitut Pasteur et du CNRS ont pu révéler que le paludisme serait apparu en Afrique il y a au moins 20 000 ans, et non il y a 4 000 5 000 ans au moment de lapparition de lagriculture. Ces travaux seront publiés le 28 février 2019 dans la revue The American Journal of Human Genetics.
Les individus porteurs de la mutation βS localisée dans le gène HBB qui ne développent pas danémie falciforme caractéristique de la drépanocytose, les porteurs sains, montrent une résistance accrue aux infections paludéennes. Ce paradoxe évolutif mis en évidence dès le début des années cinquante une mutation par nature délétère favorisant la survie de certains individus fait de βS un cas emblématique de sélection naturelle chez lhomme mais surtout un marqueur idéal pour létude du paludisme, où la date dapparition de βS correspond en réalité à la date minimum dapparition du paludisme.
Les études réalisées ces dernières décennies suggéraient une date dapparition de βS, et donc du paludisme, compatible avec les dates connues de ladoption de lagriculture comme principal mode de subsistance, il y a 4 000 - 5 000 ans en Afrique centrale. La communauté scientifique avait donc longtemps admis un lien de causalité entre lémergence de lagriculture et la diffusion du paludisme en Afrique. A linverse, lhistoire du paludisme dans les populations africaines nayant pas adopté lagriculture était totalement inconnue.
Grâce aux données génétiques inédites obtenues par les scientifiques de lunité de Génétique évolutive humaine à lInstitut Pasteur, une étude menée par Guillaume Laval et Lluis Quintana-Murci, chercheurs de lInstitut Pasteur et du CNRS, en étroite collaboration avec linstitut Max-Planck (Leipzig en Allemagne) et lIRD, remet en question le rôle de lagriculture dans lapparition du paludisme en Afrique. Les résultats de cette collaboration scientifique, basés sur une formalisation inédite du mode particulier de sélection naturelle admis pour βS, montrent que cette mutation est apparue il y a environ 20 000 ans. Ces nouveaux résultats indiquent donc que le paludisme sévissait déjà bien avant ladoption de lagriculture, en contradiction avec les interprétions classiques.
Cette étude montre également une arrivée plus récente de la mutation βS dans les populations de chasseurs-cueilleurs, il y a environ 4 000 ans. Les modifications de la forêt équatoriale survenues à cette époque, sans doute à cause dun épisode de changement climatique et/ou dune période de déforestation accrue due à une agriculture naissante, auraient favorisé la transmission du paludisme dans les populations pygmées. « Nous montrons que la fameuse mutation βS conférant une résistance au paludisme aurait pu être amenée par les populations agricultrices venues au contact de ces populations de chasseurs cueilleurs lors de la grande migration Bantoue, quand les agriculteurs ont traversé la forêt équatoriale, pour ensuite suivre des routes migratoires vers lest et le sud de lAfrique sub-Saharienne » commente Guillaume Laval, premier auteur de létude. « Ces résultats éclairent dun jour nouveau une part mal connue de lhistoire du paludisme et mettent en lumière les effets bénéfiques du métissage sur certains aspects de santé publique, comme par exemple la diffusion entre populations humaines de mutations de résistance à différents pathogènes. » ajoute Lluis Quintana-Murci, co-dernier auteur de létude.
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Journal
American Journal of Human Genetics