La maladie de Charcot-Marie Tooth est la maladie neurologique héréditaire la plus fréquente au monde. Elle touche le nerf périphérique et entraine une paralysie progressive des jambes et des mains. Aucun traitement nest aujourdhui disponible pour lutter contre cette maladie, due à la surexpression dune protéine spécifique. Des scientifiques du CNRS, de lInserm, de lAP-HP et des universités Paris-Saclay et de Paris ont mis au point, chez la souris, une thérapie fondée sur la dégradation de lARN codant pour cette protéine. Leurs travaux, brevetés, sont publiés le 9 mars 2021 dans Communications Biology.
En biologie moléculaire, la transcription correspond à la copie d'une molécule d'ADN en une molécule d'ARN. Cette molécule dARN est ensuite « traduite » en une protéine, qui peut assurer différentes fonctions au sein des cellules de lorganisme. Lorsque quune protéine particulière, appelée PMP22, est fabriquée en quantité deux fois plus importante que la normale, elle provoque le développement de la maladie génétique Charcot-Marie Tooth de type 1A. Cette surproduction entraine une paralysie progressive des jambes et des mains.
Tout lenjeu est donc de réussir à normaliser lexpression de cette protéine chez les personnes atteintes de la maladie de Charcot-Marie Tooth. Pour cela, des scientifiques français1 ont mis au point une thérapie, brevetée2, fondée sur la dégradation de lARN codant pour la protéine PMP22. Ils ont utilisé à cette fin dautres petits ARN capables dinterférer avec un ARN spécifique, ici celui codant pour la PMP22, et de conduire à sa dégradation ou à la diminution de sa traduction en protéine.
La difficulté pour la mise au point de cette thérapie a été de stabiliser ces petits ARN, dit interférents (ou siARN), qui se dégradent très rapidement dans lenvironnement biologique. Les chercheuses et chercheurs les ont couplés avec une autre molécule, le squalène, classiquement utilisée en cosmétologie ou en pharmacologie. Biocompatible, biodégradable et formant dans leau des nanoparticules, le squalène protège les siARN de toute dégradation. Il permet également de contrôler la taille des particules formées et la quantité de siARN injectée.
Les scientifiques ont ensuite montré, sur des souris modèles de cette maladie, que linjection de ces ARN interférents permettait la restitution complète et rapide de lactivité locomotrice et de la force des souris. Les siARN pénètrent dans les nerfs périphériques, renforcent la couche de myéline3 autour de ces nerfs et normalisent la vitesse du signal nerveux. Leffet du traitement perdure trois semaines pour les formes graves et plus de dix semaines pour les formes plus légères de la maladie.
Cette stratégie thérapeutique pour les neuropathies périphériques héréditaires, entièrement mise au point en France, constitue la preuve de concept d'une nouvelle médecine de précision fondée sur la normalisation par siARN de l'expression dun gène surexprimé. Elle reste à développer chez lhumain avec des études pré-cliniques et cliniques.
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Notes
1 Au laboratoire Maladies et hormones du système nerveux (Inserm/Université Paris-Saclay), au laboratoire Aspects métaboliques et systémiques de l'oncogénèse pour de nouvelles approches thérapeutiques (CNRS/Université Paris-Saclay/Institut Gustave Roussy), à lInstitut Galien Paris-Saclay (CNRS/Université Paris-Saclay), au Service de neurologie - centre de référence neuropathies périphériques rares du CHU de Limoges, au Service de neurologie - centre de référence national des neuropathies amyloïdes familiales et autres neuropathies périphériques rares du CHU du Kremlin-Bicêtre (AP-HP/Université Paris-Saclay) et au laboratoire Environmental, toxicity, therapeutic targets, cellular signaling and biomarkers (Inserm/Université de Paris). Ces travaux ont bénéficié du financement de lANR dans le cadre du programme Avenir (Labex NanoSaclay, référence ANR-10-LABX-0035).
2 Références : WO/2020/064749, PCT/EP2019/075736
3 La myéline est une couche riche en lipides qui isole les axones des neurones et permet la transmission accrue du signal nerveux. Des dysfonctionnements de la myéline entrainent des maladies du nerf très invalidantes. La protéine PMP22 est présente dans la myéline et elle est essentielle pour le fonctionnement du nerf.
Journal
Communications Biology