Des chercheurs de lInstitut Pasteur et du Wellcome Trust Sanger Institute, en collaboration avec plusieurs institutions internationales, viennent de publier deux études retraçant lhistoire des épidémies de choléra ayant touché lAfrique, lAmérique latine et les Caraïbes ces 60 dernières années. Grâce à lanalyse génomique de plus de 1200 souches de Vibrio cholerae, les chercheurs ont démontré pour la première fois le lien entre les différentes épidémies de choléra depuis 1961. Leurs résultats révèlent notamment que la dernière pandémie de choléra est dorigine asiatique, et que la majorité des souches résistantes aux antibiotiques provient de ce continent. Ces découvertes, publiées le 10 novembre 2017 dans la revue Science, permettent de mieux comprendre la circulation de lagent du choléra, danticiper le risque dapparition de nouvelles épidémies, et dadapter les stratégies de lutte.
Considéré comme une maladie séculaire, le choléra* est une infection intestinale aiguë due à la bactérie Vibrio cholerae. Ce fléau est encore à lorigine dépidémies majeures comme celles dHaïti en 2010 et du Yémen actuellement. Il affectait, encore en 2016, 38 pays dans le monde et coûte toujours la vie à près de 100 000 personnes par an. Depuis le début du 19e siècle, sept pandémies de choléra ont été identifiées à léchelle mondiale, faisant des millions de victimes. La France a notamment été touchée par le « choléra asiatique » en 1832 au cours de la seconde pandémie causant, à Paris en 6 mois, 19 000 morts.
Des chercheurs de lInstitut Pasteur, du Réseau international des instituts Pasteur et du Wellcome Trust Sanger Institute (Cambridge, Royaume-Uni), en collaboration avec différentes institutions internationales, viennent de comprendre le lien entre les différentes épidémies de choléra ayant touché les continents africain et américain au cours de la pandémie actuelle (la 7e) ayant démarré en 1961. Pour ce faire, ils ont analysé les génomes de plus de 1200 souches actuelles et historiques de V. cholerae collectées dans le monde entier au cours des dernières décennies.
Les chercheurs se sont concentrés sur les isolats dAfrique et dAmérique latine en raison des graves épidémies recensées dans ces régions. En effet, la septième pandémie de choléra sest déclarée en Afrique en 1970, faisant de ce continent le plus touché par la maladie.
Les chercheurs ont constaté que lagent du choléra a été introduit au moins 11 fois en Afrique en 44 ans, toujours à partir de lAsie et que lêtre humain était le principal disséminateur de la maladie sur le continent Africain.
Le Dr François-Xavier Weill, chef de lunité des Bactéries pathogènes entériques à lInstitut Pasteur, explique que « ces résultats montrent que le choléra na pas été introduit en Afrique uniquement en 1970 avant de sy établir à long terme, mais y est régulièrement introduit et quà partir des deux zones privilégiées dintroduction en Afrique de lOuest et en Afrique de lEst, les épidémies se propagent suivant des routes préférentielles vers des zones de persistance comme le bassin du lac Tchad ou la région des Grands-Lacs. Ces découvertes nous renseignent sur les régions dAfrique les plus sensibles à lintroduction du choléra, qui devront être ciblées plus spécifiquement de façon à enrayer les vagues de choléra avant quelles ne balaient le reste du continent. »
Les chercheurs se sont également intéressés à lévolution de la résistance aux antibiotiques de la bactérie. Ils ont découvert que la multirésistance des bactéries apparue au cours du temps était, dans la grande majorité des cas, acquise en Asie du Sud avant lintroduction de la bactérie en Afrique.
Dans le deuxième travail, léquipe sest focalisée sur lAmérique latine où le choléra épidémique est réapparu en 1991, mais où existaient également des cas sporadiques avec des formes atténuées de la maladie. Les chercheurs ont prouvé que le risque dépidémies à grande échelle variait selon la souche de V. cholerae. Ainsi, les graves épidémies qui ont touché le Pérou dans les années 1990 et Haïti en 2010 ont été causées par la souche pandémique dorigine asiatique, alors que les cas sporadiques en Amérique latine étaient dus à des souches dorigine locale qui nont a priori pas de potentiel épidémique. Les outils génomiques développés au cours de ces travaux permettront de prédire le potentiel épidémique dune souche de V. cholerae et ainsi dadapter la riposte sanitaire des autorités de santé du continent américain.
Marie-Laure Quilici, scientifique dans lunité des Bactéries pathogènes entériques de lInstitut Pasteur et responsable du Centre national de référence des Vibrions et du choléra, souligne « Ces études démontrent la valeur ajoutée du séquençage du génome entier des souches de V. cholerae pour la surveillance, la prévention et le contrôle du choléra ; elles illustrent lintérêt dassocier données épidémiologiques et données de laboratoire lors des investigations dépidémies, renforçant ainsi le message récemment délivré par la « Global Task Force on Cholera Control » de lOrganisation mondiale de la santé à lattention des praticiens de santé publique, qui recommande dassocier systématiquement ces deux approches pour une meilleure gestion des épidémies. »###
Le Professeur Nicholas Thomson du Wellcome Trust Sanger Institute et du London School of Hygiene and Tropical Medicine, précise : « Nous comprenons maintenant comment le choléra se répand mondialement. Ces travaux ont donc des implications pour le contrôle des pandémies de choléra mais contribue également à mieux comprendre comment une simple bactérie continue à faire peser une telle menace sur la santé humaine. »
* À propos du choléra :
Le choléra est une maladie diarrhéique aiguë causée par lingestion de nourriture ou deau contaminée par la bactérie Vibrio cholerae. Certains malades développent une diarrhée liquide qui saccompagne dune déshydratation sévère pouvant entraîner la mort en labsence de prise en charge. La transmission se fait entre êtres humains dans des zones souffrant dun accès inadéquat à leau potable et à lassainissement.
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