Pour la plupart des gens, la fin dun conflit armé est synonyme de soulagement, despoir et dune vie sans violence. Pour de nombreux enfants nés des viols de guerre, les brutalités se poursuivent toutefois après larmistice.
Voilà le constat dune récente étude menée auprès denfants nés de mères enlevées et violées par des soldats de lArmée de résistance du Seigneur (ARS), un groupe rebelle mené par Joseph Kony, tristement célèbre pour sa brutalité pendant la guerre civile ougandaise entre 1986 et 2007.
Rarement a-t-on donné la parole aux enfants nés des viols perpétrés en temps de guerre. Cest pourquoi des chercheurs de lUniversité McGill se sont associés à un collectif de femmes, Watye Ki Gen, kidnappées par lARS pendant le conflit ougandais. Ensemble, ils ont interviewé 60 jeunes âgés de 12 à 19 ans et ayant vécu une partie de leur enfance en captivité. Certains dentre eux ont habité dans les camps de lARS que quelques mois après leur naissance alors que dautres y sont restés jusquà sept ans.
Afin détoffer leur démarche, léquipe de recherche a également organisé des ateliers dart afin que les jeunes puissent plus facilement parler de leurs expériences avant et après le conflit.
Lorsquinvités à dessiner leur famille avant et après le conflit, les chercheurs ont constaté que plusieurs des participants avaient choisi de se représenter avec un visage triste dans les dessins daprès-guerre. Interrogés à ce sujet, les jeunes ont expliqué avoir le sentiment que leur vie, ainsi que celle de leurs frères et surs, était, à plusieurs égards, meilleure pendant la guerre.
Ce constat pour le moins étonnant, posé dans la revue Child Abuse & Neglect, résulte des multiples formes de violence, de stigmatisation, dexclusion sociale et de marginalisation socioéconomique dont sont victimes ces enfants nés de mères maintenues en captivité par lARS, explique Myriam Denov, coauteure de létude et professeure à lÉcole de service social de lUniversité McGill.
« Le fait que ces jeunes considèrent la guerre alors quil y règne un climat de violence, de bouleversements, de famine et de terreur comme étant plus enviable que la paix est totalement déconcertant et démontre à quel point ils se sentent marginalisés, souligne la Pre Denov, une spécialiste des enfants victimes de la guerre et auteure dun livre portant sur les enfants soldats de la Sierra Leone.
« La vie nest pas facile »
Plusieurs des participants de létude avaient le même père, soit Joseph Kony, le chef de lARS. Lors des interviews menées par les chercheurs, les jeunes ont souvent expliqué que « la guerre était préférable à la paix » puisquils avaient limpression de faire partie dune famille lorsquils vivaient parmi les rebelles.
« La vie nest pas facile ici parce que nous sommes stigmatisés, a expliqué lun des participants lors dune interview. Les gens déversent leur haine sur nous. Dans ma famille, il y a trois enfants nés en captivité et on nous déteste tous. Mon oncle nous bat et il a dit quil nous tuerait. Il ne veut pas de petits rebelles Kony dans sa maison. »
Létude fait également ressortir labsence de services de soutien de nature à changer la perception de ces enfants. Les participants ont évoqué des pistes de solution afin de leur venir en aide, notamment des interventions ciblées afin daméliorer leur statut socioéconomique, un soutien pour améliorer laccès aux études ainsi que des programmes de soutien psychosocial, de sensibilisation et de réconciliation.
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Journal
Child Abuse & Neglect