Les paysages de Scandinavie et dAmérique du Nord sont marqués par danciens systèmes hydrologiques formés sous les calottes de glace qui recouvraient ces régions.Ces reliefs navaient jusquà aujourdhui jamais été observés sous une calotte contemporaine, parce que la glace -- épaisse de plusieurs kilomètres -- rend leur observation très difficile. Une équipe de scientifiques de lUniversité libre de Bruxelles (ULB, Belgique) et de lAcadémie bavaroise des sciences (Allemagne) ont découvert un système hydrologique actif de chenaux et de crêtes sédimentaires sous la calotte Antarctique. Leur étude, publiée dans Nature Communications, montre que ces reliefs sous-glaciaires sont cinq fois plus grands que les vestiges observés actuellement dans les paysages déglacés de lhémisphère nord. Les crêtes sédimentaires découvertes façonnent la glace sur des centaines de kilomètres en aval car elles amincissent la glace à la base de la calotte. Leur étude est importante pour la stabilité des plateformes de glace car, comme de nombreuses études lont montré, lamincissement des plateformes de glaces affecte la stabilité de la calotte Antarctique.
Lorsquun système hydrologique se met en place à la base dune calotte de glace, des chenaux sous-glaciaires se forment pour évacuer leau de fonte vers locéan. La hauteur de ces chenaux sélève en général à quelques mètres. De nouvelles observations géophysiques menées par le Laboratoire de Glaciologie de lULB montrent que ces chenaux sélargissent de plus en plus à lapproche de locéan. Ils ont mis au point un nouveau modèle mathématique pour expliquer leur découverte : les chenaux sélargissent parce que la pression de la glace qui les recouvre disparaît lorsque la glace se met à flotter sur locéan.
Alors que ces chenaux sélargissent de plus en plus, la vitesse découlement de leau quils contiennent diminue à son tour, forçant ainsi les sédiments en suspension à se déposer à la sortie des chenaux. Maintenu sur plusieurs milliers dannées, ce processus construit dénormes crêtes sédimentaires -- dune hauteur comparable à la tour Eiffel -- en dessous de la glace.
La sédimentation active dans les chenaux sous-glaciaires semble contrôler la formation des « Eskers » qui sont des crêtes sédimentaires, communément observées dans les paysages aujourdhui déglacés. Les eskers que lon observe de nos jours sont néanmoins 5 fois moins élevés que ceux qui viennent dêtre découverts en Antarctique.
Des chenaux géants capables dentailler la glace par en dessous
En évoluant, les crêtes sédimentaires entaillent la glace qui sécoule par-dessus. Ces entailles se déplacent ensuite avec la glace et deviendront plus tard des «sillons» dans les plateformes de glace flottante. La glace au niveau de ces sillons est jusquà deux fois plus fine que dans ses alentours, rendant ceux-ci potentiellement très vulnérables à la fonte océanique. Les chercheurs pensaient auparavant que les sillons de plateformes de glace étaient exclusivement creusés au contact de locéan mais il semble désormais clair que dautres facteurs rentrent en jeu. « Notre étude montre que les sillons dans les plateformes de glace sont déjà initiés sur le continent, et que leur taille dépend fortement des processus de sédimentation qui ont lieu des centaines, voire des milliers dannées auparavant », explique Reinhard Drews, le principal auteur de létude.
Ce nouveau lien entre système hydrologique sous-glaciaire, sédimentation active et stabilité des plateformes de glace ouvre la voie à une nouvelle compréhension des mécanismes en jeu sous la calotte Antarctique; et nous aide également à mieux reconstituer létendue des calottes de lhémisphère nord au cours des dernières périodes glaciaires.
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Journal
Nature Communications