image: These are two specimens of Mesorhabditis belari nematodes view more
Credit: Marie DELATTRE/LBMC/CNRS Photo library
En 1949, le jeune biologiste Victor Nigon présentait dans son travail de thèse ses observations sur la reproduction de diverses espèces de nématodes, des petits vers ronds vivant dans les sols. Et parmi elles, le ver Mesorhabditis belari chez qui les rares mâles présents dans la population sont nécessaires à la reproduction bien que le matériel génétique des spermatozoïdes soit rarement utilisé par lovule. Lembryon qui se développe donne naissance à une femelle, clone de sa mère.
Soixante-dix années plus tard, ce ver a piqué à nouveau la curiosité dune équipe de recherche internationale pilotée par des chercheurs du CNRS, de lENS de Lyon, de lUniversité Claude Bernard Lyon 1 et du Muséum national d'Histoire naturelle1. Ils ont confirmé les premières observations de Victor Nigon, mais ont également noté que dans les 9 % des cas où le matériel génétique est utilisé après fécondation, lembryon donne naissance à un mâle. Ainsi, les mâles ne peuvent disséminer leurs gènes quà leurs fils. M. belari représente donc un cas unique, où les mâles nont pas de contribution génétique, et peuvent être vus comme une simple extension des femelles pour les aider à démarrer le développement de leurs ufs.
Si les mâles ne servent pas à disséminer les gènes de leur mère, alors il faut quils servent au moins à ce que la mère produise le plus de descendants possibles. Cela nest possible que si les fils quune femelle produit aident ses propres filles à produire un grand nombre dembryons. En dautres termes, si les mâles fécondent préférentiellement leurs surs.
Mais pourquoi la proportion de 9 % de mâles a-t-elle été retenue au cours de lévolution, et non 2 % ou 20 % par exemple ? En utilisant la « théorie des jeux », les chercheurs ont montré que produire 9 % de mâles était une stratégie évolutivement stable : cette quantité est suffisante pour sassurer quun maximum de descendantes femelles soient produites, sans pour autant gaspiller trop de ressources dans la production de mâles dont les gènes nont aucun avenir.
Lasexualité est un mode de reproduction où des espèces composées uniquement de femelles produisent des clones delles-mêmes. Au contraire de la sexualité, où des individus de sexe mâle permettent le brassage génétique avec les femelles. M. belari présente un cas nouveau, où des mâles peuvent être utiles à la reproduction des femelles, même sans brassage génétique. Léquipe de recherche compte maintenant poursuivre ces travaux en essayant de comprendre comment un tel mode de reproduction a pu émerger, et en testant la stabilité de lespèce M. belari via létude de son génome.
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*- En France, ces travaux ont été menés au sein du Laboratoire de biologie et modélisation de la cellule (CNRS/ENS de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), de lInstitut de biologie de l'École normale supérieure (CNRS/ENS de Paris/Inserm) et de lInstitut de systématique, évolution, biodiversité (CNRS/MNHN/EPHE/Sorbonne Université)
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