Le dragon à collerette présente une large collerette érectile caractéristique de son espèce. Ce lézard la garde habituellement repliée contre son corps, mais il peut louvrir de façon spectaculaire pour effrayer les prédateurs. Des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE) et du SIB Institut Suisse de Bioinformatique rapportent, dans la revue eLIFE, quune branchie embryonnaire ancestrale de lembryon du dragon se transforme en une poche de cou qui sagrandit et se plisse, constituant la collerette. Les chercheurs démontrent ensuite que ce robuste motif de pliage émerge de forces mécaniques lors de la croissance homogène de la peau de la collerette, dû aux tensions résultant de son attachement au cou et à la tête.
Dans le film Jurassic Park, pendant que le programmeur informatique Dennis Nedry tente de faire sortir clandestinement des embryons de dinosaures de lîle, il se fait attaquer et tuer par un dinosaure de taille moyenne qui érige une collerette effrayante. Ce dinosaure fictif est inspiré dun animal réel connu sous le nom de «dragon à collerette», qui vit aujourdhui dans le nord de lAustralie et au sud de la Nouvelle Guinée. Ces lézards, aussi nommés Chlamydosaurus kingii, ont un large disque de peau qui repose autour de leur tête et de leur cou. Généralement repliée contre le corps, cette collerette peut sériger de façon spectaculaire pour effrayer les prédateurs et les concurrents. Le pliage des côtés gauche et droit se fait au niveau de trois crêtes préformées, mais on ignorait encore quelle structure ancestrale avait évolué pour devenir la collerette du dragon, et comment les crêtes se formaient au cours du développement.
Recyclage des branchies
Une équipe multidisciplinaire dirigée par Michel Milinkovitch, professeur au Département de génétique et évolution de la Faculté des sciences de lUNIGE et chef de groupe au SIB Institut Suisse de Bioinformatique, démontre aujourdhui que la collerette du dragon, ainsi que les os et cartilages qui la soutiennent, se développent à partir des arcs branchiaux. Il sagit dune série de bandes de tissu embryonnaire qui ont évolué pour devenir les supports branchiaux des poissons et qui donnent maintenant naissance à de nombreuses structures dans loreille et le cou des vertébrés terrestres. Chez la plupart des espèces, la deuxième arcade branchiale finit par fusionner avec les arcades qui la suivent. Mais chez le dragon, cet arc continue de sétendre, conduisant à la formation de sa collerette. «Ces changements du développement des arcs branchiaux mettent en évidence la manière dont lévolution est capable de «recycler» les anciennes structures en de nouvelles formes jouant des rôles différents», senthousiasme Michel Milinkovitch.
Processus mécanique plutôt que signal génétique moléculaire
Au fur et à mesure que la collerette se développe, la face antérieure de la peau forme trois plis successifs, qui constituent les crêtes. En étudiant leur formation, léquipe suisse révèle quelles ne résultent pas dune croissance accrue aux sites de pliage, mais de forces physiques la croissance de la collerette étant limitée par son attache au cou. La couche supérieure finit par onduler, ce qui crée les plis de la collerette. «Nous avons ensuite simulé ce processus dans un modèle informatique et nous avons découvert quon pouvait récapituler la manière dont les plis se développent dans les collerettes des véritables embryons de lézard», poursuit Michel Milinkovitch.
Ces résultats fournissent de nouvelles preuves sur la capacité de processus physiques et génétiques à façonner les tissus et les organes au cours du développement de lembryon.
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