Les horloges circadiennes, qui régulent les fonctions métaboliques de tous les êtres vivants sur un rythme denviron 24 heures, constituent lun des mécanismes biologiques les plus fondamentaux. Chez les êtres humains, leur perturbation est à lorigine de nombreuses maladies métaboliques telles que le diabète ou des maladies graves du foie. Si les scientifiques étudient ce mécanisme depuis de nombreuses années, son fonctionnement demeure mal connu. Grâce à un système dobservation basé sur la bioluminescence, une équipe de recherche de lUniversité de Genève (UNIGE) a pu démontrer que les cellules composant un organe en particulier peuvent se synchroniser, même en labsence de lhorloge centrale cérébrale ou dautres horloges dans le corps. En effet, les scientifiques sont parvenus à restaurer la fonction circadienne dans le foie chez des souris complètement arythmiques, démontrant que les neurones ne sont pas uniques dans leur capacité de coordination. Des résultats à découvrir dans la revue Gene and Development.
Pendant longtemps, la communauté scientifique considérait que les rythmes circadiens étaient entièrement contrôlés par une horloge centrale située dans le cerveau, avant de découvrir, il y a quelques années, lexistence dans chaque cellule du corps dune petite horloge moléculaire. «On pensait néanmoins que lhorloge cérébrale était indispensable à la synchronisation de toutes les horloges périphériques,» relate Ueli Schibler, professeur honoraire de la Faculté des sciences de lUNIGE, qui a initié ces travaux. «Or, les techniques de recherche disponibles ne permettaient pas dexplorer la validité de cette hypothèse: il fallait pour cela observer en temps réel, sur une période relativement longue, lexpression des gènes circadiens dun animal avec ou sans horloge cérébrale fonctionnelle,» explique Flore Sinturel, chercheuse au Département de médecine de la Faculté de médecine de lUNIGE et première auteure de ces travaux.
La bioluminescence pour observer les rythmes circadiens
Dès 2013, léquipe du professeur Schibler a développé une technologie totalement inédite, aujourdhui commercialisée, qui permet de suivre lactivité dun organe précis et des rythmes circadiens qui le contrôle. «Nous nous sommes inspirés du principe de bioluminescence que lon peut observer chez les lucioles par exemple, détaille-t-il. Nos souris sont porteuses dun gène rapporteur circadien qui produit une enzyme, la luciférase. Nous ajoutons ensuite dans leur eau de boisson de la luciférine, une substance qui, oxydée par la luciférase, entraîne lémission de photons.» Ces derniers sont captés grâce à un photomultiplicateur qui permet denregistrer le nombre de photons émis par minute et donc de détecter lexpression du gène rapporteur circadien dans le temps.
Les horloges cellulaires du foie restent en phase en labsence de signaux synchroniseurs
Après lablation de lhorloge centrale, les scientifiques ont observé que toutes les horloges du corps sont dans des phases différentes. Cependant, au niveau dun seul organe le foie en loccurrence les souris conservent une rythmicité circadienne robuste et coordonnée. Ainsi, si lhorloge centrale permet de synchroniser tous les organes dans la même phase, les cellules communiquent suffisamment pour conserver une rythmicité coordonnée au sein dun même organe. «Alors que lon pensait que seuls les neurones disposaient de connexions suffisamment fortes pour assurer cette coordination circadienne, nous démontrons aujourdhui que non, indique Flore Sinturel. Cela permet de relativiser la singularité de lhorloge centrale.»
Les scientifiques ont ensuite confirmé leur découverte : chez des souris arythmiques, cest-à-dire totalement dépourvues dhorloges circadiennes, léquipe est parvenue à restaurer lexpression de la rythmicité dans le foie uniquement, sans toucher aux autres organes. «Cela nous a permis de montrer quune horloge restaurée dans un organe fonctionne et a des rythmes, même en labsence de toutes les autres horloges du corps,» explique-t-elle. Ils et elles veulent maintenant comprendre comment ces cellules restent dans la même phase alors quelles ne reçoivent aucune information, ni du cerveau, ni dautres signaux extérieurs. Leur hypothèse? Lexistence dune forme de couplage, dun échange de molécules entre ces différentes cellules.
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Journal
Genes & Development