Des chercheurs de lUniversité McGill ont mis au point un nouveau type de nanoparticule de cellulose offrant une solution plus efficace et plus écologique à lun des principaux problèmes des industries utilisant des ressources hydriques : laccumulation de tartre.
Dépôt causé par laccumulation de minéraux peu solubles, le tartre peut nuire sérieusement au fonctionnement dà peu près nimporte quelle pièce servant au transport ou à lentreposage de leau, du plus petit électroménager aux installations industrielles les plus complexes. La plupart des agents antitartre sur le marché ont une forte teneur en dérivés du phosphore, polluants aux effets éventuellement catastrophiques pour les écosystèmes aquatiques.
Légende : Utilisée comme agent antitartre dans le contenant de droite, la nanocellulose chevelue empêche laccumulation des minéraux qui ralentissent le débit dans le contenant de gauche.
Dans des articles publiés dans Materials Horizons et Applied Materials & Interfaces, revues de la Royal Society of Chemistry et de lAmerican Chemical Society, respectivement, une équipe de chimistes et dingénieurs chimistes de lUniversité McGill décrivent lélaboration dune solution antitartre exempte de phosphore grâce à une percée nanotechnologique au nom pour le moins insolite : nanocellulose chevelue.
Un candidat inattendu
Comme le souligne Amir Sheikhi, auteur principal de létude et aujourdhui boursier postdoctoral au Département de génie biologique de lUniversité de la Californie à Los Angeles, malgré son bilan écologique avantageux, la cellulose était loin dêtre le candidat antitartre tout désigné.
« La cellulose est le biopolymère le plus abondant sur la planète. Mais bien quelle soit renouvelable et biodégradable, elle est probablement lune des options les moins intéressantes comme tartrifuge. La raison? Elle est neutre, cest-à-dire dépourvue de groupement fonctionnel porteur dune charge », explique-t-il.
Lorsquil travaillait comme boursier postdoctoral dans le laboratoire dAshok Kakkar, professeur de chimie à lUniversité McGill, Amir a élaboré quelques tartrifuges macromoléculaires plus efficaces que les produits demploi courant en milieu industriel, mais tous étaient à base de phosphonate. Désireux de trouver une solution exempte de phosphore, il sest intéressé à la cellulose.
« Finalement, la nanocellulose chevelue, issue de la nanotechnologie, sest révélée plus efficace encore que les molécules à base de phosphonate », se remémore-t-il.
Léquipe a réalisé une percée en fixant des groupes carboxyles porteurs dune charge négative à des nanoparticules de cellulose. Dès lors, les nanoparticules nétaient plus neutres : grâce à leurs groupes fonctionnels porteurs dune charge, elles pouvaient empêcher les ions calcium (de charge positive) de former du tartre.
Découverte fortuite dune super particule un brin hirsute
On avait déjà tenté de fonctionnaliser ainsi la cellulose, mais ces tentatives antérieures portaient sur deux formes plus anciennes de nanocellulose, soit les nanofibrilles et les nanocristaux. Lennui, cest que lon nobtenait quune infime quantité de produit utile. Mais cette fois, léquipe de lUniversité McGill a travaillé à partir de nanocellulose chevelue, nanoparticule découverte dans le laboratoire de Theo van de Ven, professeur de chimie à McGill.
Le Pr Van de Ven, qui a lui aussi participé à la recherche dun tartrifuge, se souvient de ce jour de 2011 où Han Yang, alors doctorant dans son laboratoire, a découvert par hasard cette nouvelle forme de nanocellulose.
« Il est entré dans mon bureau avec une éprouvette qui contenait ce qui ressemblait à de leau et sest exclamé : Monsieur! Ma suspension est disparue! », raconte le professeur en souriant.
« Sa suspension blanche contenant des fibres krafts était, en effet, devenue transparente. Lorsquune substance est transparente, cest soit quelle sest dissoute, soit quelle sest transformée en nanoparticules. Nous avons procédé à quelques caractérisations et avons constaté quil venait de fabriquer une nouvelle forme de nanocellulose. »
Grande polyvalence
Pour fabriquer de la nanocellulose chevelue, il faut couper les nanofibrilles de cellulose constituées de régions cristallines et amorphes disposées en alternance à des endroits précis afin que les régions amorphes des nanoparticules surgissent aux deux extrémités, un peu à la manière de mèches de cheveux rebelles.
« En scindant les nanofibrilles, nous faisons jaillir les chaînes de cellulose, qui sont dès lors à la portée des produits chimiques », explique le Pr van de Ven. « Notre nanocellulose peut donc être fonctionnalisée en très grande partie, beaucoup plus que les autres formes. »
En raison de la polyvalence chimique de la nanocellulose chevelue, léquipe de chercheurs entrevoit de nombreuses autres applications, notamment : administration de médicaments, agents antimicrobiens et colorants fluorescents en imagerie médicale.
« À peu près nimporte quelle molécule peut être liée à la nanocellulose chevelue », conclut Theo van de Ven.
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Journal
ACS Applied Materials & Interfaces