image: Artist's impression of the exoplanet HAT-P-11b with its extended helium atmosphere blown away by the star, an orange dwarf star smaller, but more active, than the Sun. view more
Credit: © Denis Bajram
Bien que rare sur Terre, lhélium est omniprésent dans lUnivers. Cest, après lhydrogène, le composant principal des étoiles et des planètes géantes gazeuses. Malgré son abondance, lhélium na été détecté que très récemment dans latmosphère dune géante gazeuse par une équipe internationale incluant des astronomes de lUniversité de Genève (UNIGE). Léquipe, menée pour cette étude par les chercheurs genevois, a pu observer en détail et pour la première fois la manière dont ce gaz séchappe de latmosphère surchauffée dune exoplanète, littéralement gonflée à lhélium. Des résultats à lire dans la revue Science.
Lhélium est le second élément le plus abondant de lUnivers. Prédit au début des années 2000 comme lune des meilleures signatures possibles de latmosphère dexoplanètes, ces planètes tournant autour dautres étoiles que le Soleil, il a fallu attendre 18 ans pour que les astronomes ly dénichent enfin. La faute à une signature observationnelle dune couleur très particulière, située dans linfrarouge, hors de portée de la plupart des instruments utilisés jusqualors. La découverte, finalement obtenue cette année à laide du télescope spatial Hubble, restait délicate à interpréter. Mais des astronomes de lUNIGE, membres du pôle de recherche national PlanetS et qui avaient participé à la découverte initiale, ont exploité les données dun tout nouvel instrument: un spectrographe infrarouge à très haute résolution appelé Carmenes.
Détecter les couleurs des planètes grâce à Carmenes
Un spectrographe décompose la lumière dune étoile en ses différentes couleurs, sous la forme dun arc-en-ciel. La «résolution» dun spectrographe est une mesure indiquant le nombre de couleurs quil est possible de distinguer. Si lil humain ne peut distinguer aucune couleur au-delà du rouge sans caméra adaptée, lil infrarouge de Hubble est déjà capable dy distinguer quelques centaines de couleurs. Ce qui sest avéré juste suffisant pour distinguer celle de lhélium. Linstrument Carmenes, installé au télescope de 4 mètres de lobservatoire Calar Alto en Andalousie, est pour sa part capable de distinguer plus de 100000 couleurs dans linfrarouge !
Cette haute résolution spectrale a permis à léquipe de décomposer la signature de lhélium avec une finesse inégalée et de localiser la position des atomes dhélium avec une grande précision, dans latmosphère dune planète gazeuse de la taille de Neptune (environ quatre fois plus grosse que la Terre). Située dans la constellation du Cygne à 124 années-lumières de la Terre, HAT-P-11b est une «Neptune tiède» (550°C tout de même !), vingt fois plus proche de son étoile que la Terre du Soleil. «Nous soupçonnions que cette proximité avec létoile devait avoir un fort impact sur latmosphère de la planète », raconte Romain Allart, doctorant à lUNIGE et premier auteur de létude. « Les nouvelles observations sont si précises que le doute nest plus permis: latmosphère de la planète est gonflée par le rayonnement de létoile et séchappe dans lespace», senthousiasme-t-il.
Une planète gonflée à lhélium
Ces résultats observationnels sont supportés par une simulation numérique, menée par Vincent Bourrier, co-auteur de larticle de Science et membre du projet européen FOUR ACES*, qui a permis de retracer les trajectoires des atomes dhélium: «Lhélium est soufflé du côté jour de la planète à son côté nuit à plus de 10000 km/h», explique-t-il. «Puis, comme cest un gaz très léger, il échappe facilement à lattraction de la planète et forme un nuage étendu autour de celle-ci.» Ce qui donne à HAT-P-11b la forme dun ballon... gonflé à lhélium !
Ce résultat ouvre une nouvelle fenêtre pour observer les conditions atmosphériques extrêmes régnant sur les exoplanètes les plus chaudes. Les observations de Carmenes prouvent en effet que ce type détudes, longtemps réservées au seul télescope spatial Hubble, peuvent être menées encore plus finement avec des télescopes au sol. «Cest une période très excitante pour la recherche de signatures atmosphériques dans les exoplanètes», se réjouit Christophe Lovis, maître denseignement et de recherche à lUNIGE et co-auteur de létude. Car en plus des observations actuelles, les astronomes de lUNIGE sont également fortement impliqués dans lexploitation et la conception de deux nouveaux spectrographes infrarouges à haute résolution, similaires à Carmenes. Un nouvel instrument, le Spectro-Polarimètre InfraRouge (SPIRou) vient en effet de débuter une campagne dobservation depuis Hawaï, tandis que le Département dastronomie de lUNIGE abrite les premiers tests du Near Infrared Planet Searcher (NIRPS), qui rejoindra le Chili fin 2019. «Ce résultat va renforcer lintérêt de la communauté scientifique pour ces instruments. Leur nombre et leur répartition géographique nous permettra de couvrir lintégralité du ciel à la recherche dexoplanètes qui sévaporent», conclut Christophe Lovis.
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