Le HIV, la dengue, le papillomavirus, lherpès ou Ebola. La liste des virus est longue et ils tuent des millions de personnes chaque année, dont une majorité denfants dans des pays en voie de développement. Si des médicaments permettent den traiter certains, il nexiste aucun traitement qui pourrait être utilisé contre plusieurs virus, comparable aux antibiotiques à large spectre contre les bactéries. Les chercheurs du Laboratoire des nanomatériaux supramoléculaires et interfaces Constellium Chair (SUNMIL) de lEPFL sont parvenus à transformer des nanoparticules dor qui pourraient ouvrir la porte à ce genre de nouveaux traitements. Injectées dans lorganisme, elles «trompent» les virus, en imitant les cellules humaines. Lorsque les virus se lient à elles pour les infecter, les nanoparticules utilisent la pression locale produite par cet assemblage pour «casser» les virus, leur faisant perdre ainsi toute toxicité. Ces résultats sont présentés dans le journal Nature Materials.
Besoin pressant pour un traitement à large spectre
«Il existe des médicaments contre certains virus, comme le HIV ou lhépatite C, qui heureusement fonctionnent», indique Francesco Stellacci, à la tête du SUNMIL de la Faculté des Sciences et Techniques de lIngénieur. «Mais ils restent spécifiques à un seul virus». Le développement dantiviraux à large spectre reste donc largement nécessaire. Dune part, cela offrirait une réponse unique pour lutter contre tous les virus pour lesquels il nexiste aucun traitement, et qui continuent de tuer. Dautre part, certains pays, comme les régions en voie de développement, ne disposent pas forcément des outils nécessaires pour établir des diagnostics précis, et ont donc besoin de traitements non spécifiques. Cela permettrait également de freiner la résistance que lhumain crée aux antibiotiques. «Les médecins prescrivent souvent ces traitements lors dinfections virales, puisquil nexiste pas de médicament. Mais les antibiotiques sont efficaces contre les bactéries uniquement. Cette utilisation à outrance contribue au développement de mutations des virus et à une résistance chez lhomme», souligne le professeur.
Des nanoparticules trompeuses
Jusque-là, les recherches de traitements à large spectre contre les virus nont abouti quà des solutions toxiques pour lhomme, ou alors efficaces in vitro (en laboratoire) mais pas in vivo. Lapproche développée par les scientifiques a contourné ces deux obstacles. Ils ont créé des nanoparticules dor, un matériau non toxique pour lhomme, qui imitent les récepteurs des cellules humaines, les éléments spécifiques auxquels viennent saccrocher les virus. Pour nous infecter, les virus ont en effet besoin de nos cellules, quils pénètrent et quils utilisent pour se répliquer et se répandre. Trompés, les virus se lient aux nanoparticules, pensant envahir une cellule humaine. Ce mécanisme dattachement provoque une pression qui déforme le virus et louvre, le rendant ainsi inoffensif. Cette pression propose une solution non toxique, contrairement aux alternatives actuelles. «Etant donné que les virus utilisent nos cellules pour se propager, il est très difficile de trouver une substance chimique qui détruise le virus sans abîmer les cellules humaines, explique Francesco Stellacci. Mais en même temps, seule cette approche permettait de détruire le virus de manière irréversible». Le mécanisme daction développé par le SUNMIL permettrait désormais de parvenir à ce résultat, une situation unique à ce jour.
Des résultats positifs sur plusieurs virus
Des expériences concluantes ont été conduites in vitro sur des tissus infectés par lherpès simplex virus, le papillomavirus (pouvant conduire à un cancer de lutérus), le respiratoire syncytial virus (RSV, pouvant mener à une pneumonie), la dengue et le HIV (lentivirus). Dautres tests ont permis de guérir des souris atteintes du RSV. Ces résultats ont été obtenus grâce à la collaboration du SUNMIL avec différentes universités et à la mise en commun des expertises en nanomatériaux et en virologie.
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Journal
Nature Materials