Lors du stade ftal, des millions de neurones naissent dans les parois des ventricules du cerveau avant de migrer à leur emplacement définitif dans le cortex cérébral. Si cette migration naboutit pas, le nouveau-né peut souffrir de conséquences graves comme une déficience intellectuelle. Mais que se passe-t-il si cette migration a bien lieu, mais en retard? Des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE) ont découvert que non seulement un simple retard provoque des troubles comportementaux semblables à ceux de lautisme, mais également que ceux-ci sont dus à une activité anormalement faible des neurones retardataires qui entraine un déficit de connexions inter-neuronales. Les neuroscientifiques genevois sont parvenus à corriger lactivité des neurones concernés, permettant de rétablir les connexions manquantes et évitant, de ce fait, lémergence de troubles du comportement. Ces résultats, à lire dans la revue Nature Communications, ouvrent de nouvelles perspectives dans la prévention de troubles neurodéveloppementaux liés au cortex cérébral.
Au stade ftal, les neurones sont générés par les parois des ventricules du cerveau, puis migrent à leur place définitive dans le cortex cérébral entre la 6ème et la 16ème semaine de grossesse chez la femme. Cette migration est régulée par de nombreux signaux moléculaires , qui contrôlent le tempo afin que chacun des millions de neurones arrive au bon endroit au bon moment. Si cette migration na pas lieu, le nouveau-né subira de dimportantes déficiences mentales ou des crises dépilepsie, par exemple. Mais que se passe-t-il si chaque neurone arrive bien au bon endroit, mais en retard ?
Limportance de la ponctualité pour établir les connexions neuronales
«Pour répondre à cette question, nous avons manipulé in utero, dans quelques milliers de neurones chez le rat, la signalisation Wnt, un régulateur de la vitesse de migration, afin que ceux-ci arrivent à bon port, mais en retard», explique Jozsef Kiss, professeur au Département de neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de lUNIGE. «Nous avons ensuite vérifié quils étaient bien à leur place et nous avons effectué différents tests de comportement sur les rats concernés, une fois ceux-ci devenus adultes», ajoute-t-il. Les neuroscientifiques ont alors constaté que non seulement les rats présentaient des troubles de sociabilité, mais également quils développaient des comportements compulsifs répétés, deux symptômes en lien avec lautisme chez lêtre humain. Mais comment le simple retard de quelques milliers de neurones sur des millions peut-il perturber à ce point le bon fonctionnement cérébral ?
«En marquant les neurones retardataires, nous avons observé que ceux-ci reçoivent moins de fibres en arrivant à bon port et, de ce fait, créent moins de contacts synaptiques avec les autres neurones, par rapport à un neurone "ponctuel". Ce manque de connexions entraine une diminution de lactivité neuronale qui se répercute finalement sur les interactions entre lhémisphère gauche et lhémisphère droit du cerveau», relève Jozsef Kiss. Etant initialement mal branchés, les neurones retardataires établissent alors moins de contacts avec leurs homologues de lautre hémisphère. En effet, chez le rat, les neurones disposent, lors de la période post-natal, dune dizaine de jours seulement pour connecter les deux hémisphères, doù limpact dun retard de quelques jours sur le développement du cerveau et les conséquences comportementales qui en découlent.
Mais un retard peut-être rattrapé !
Les chercheurs de lUNIGE ont alors exploré la possibilité de rattraper le retard pris par les neurones qui nont pas migré à temps en stimulant leur activité à distance. «Nous avons ajouté aux neurones retardataires un gène permettant de contrôler à distance lactivité neuronale. Nous les avons ensuite stimulés quand nous le souhaitions, afin de tenter de rattraper le retard pris et le manque dactivité qui en découle, et ça marche !», senthousiasme Jozsef Kiss. En effet, grâce à «la thérapie» de lactivation à distance, les chercheurs ont constaté que les connexions entre les deux hémisphères se sont établies correctement et quaucun trouble du comportement nest apparu chez le rat adulte. «Mais cela doit se faire pendant la période critique, cest-à-dire pendant dix jours en post-natal, quand cette connexion inter-hémisphérique se développe chez le rat, ensuite, il est trop tard», prévient-il.
Pour la première fois, les neuroscientifiques de lUNIGE ont démontré que bien quun cerveau soit normalement constitué, il peut dysfonctionner à cause dun retard de la migration des neurones. Ces quelques mauvais neurones suffisent alors à perturber la communication entre les deux hémisphères du cerveau, ce qui provoque des troubles du comportement. Plus surprenant, on sait maintenant que ce retard peut être réversible si lactivité neuronale est stimulée de manière contrôlée et externe pendant la période critique ! «On peut désormais réfléchir à un moyen de détection dun retard de la migration neuronale et des connexions interhémisphèriques et en trouver les causes, pour envisager une thérapie de lactivation au niveau clinique pendant la période critique et prévenir ainsi les déficits comportementaux observés dans lautisme», conclut Jozsef Kiss.
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Journal
Nature Communications