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Le cerveau apprend en se parlant à lui-même

Des chercheurs de l’UNIGE dévoilent le rôle joué par les systèmes de rétroaction synaptiques dans les processus d’apprentissage du cortex cérébral. Une découverte précieuse pour le dével

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Université de Genève

Comme chez d’autres animaux, l’énorme capacité d’apprentissage de l’être humain lui permet d’appréhender de nouvelles informations sensorielles et de maîtriser ainsi de nouvelles compétences ou de s’adapter à un environnement en constante évolution. Mais nombre des mécanismes d’apprentissage restent mal compris. L’un des plus grands défis des neurosciences des systèmes est d’expliquer comment les connexions synaptiques se modifient pour accompagner les changements de comportement. Des neuroscientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) avaient déjà montré que les mécanismes d’apprentissage synaptique dans le cortex cérébral dépendent d’une boucle de rétroaction avec des régions cérébrales profondes. Ils ont maintenant montré avec précision comment cette rétroaction permet le renforcement synaptique en activant et désactivant des neurones inhibiteurs particuliers. Cette recherche, à lire dans Neuron, pose un jalon important pour notre compréhension des mécanismes de l’apprentissage. Elle peut aussi ouvrir de nouvelles voies pour la conception des systèmes d’apprentissage informatisés et de l’intelligence artificielle.

Le cortex - la zone externe et la plus grande du cerveau - est important pour les fonctions cognitives supérieures, les comportements complexes, la perception et l’apprentissage. Dès qu’un stimulus sensoriel se produit, le cortex traite et filtre l’information avant d’en renvoyer les aspects les plus pertinents aux autres régions du cerveau. Certaines d’entre elles renvoient à leur tour de l’information au cortex. Ces boucles, appelées systèmes de rétroaction, sont essentielles au fonctionnement des réseaux corticaux et à leur adaptation aux nouvelles informations sensorielles. «Lors de l’apprentissage perceptuel (ou l’amélioration de la capacité à répondre à un stimulus sensoriel), les circuits neuronaux doivent d’abord évaluer l’importance de l’information sensorielle reçue puis affiner la façon dont elle sera traitée à l’avenir. Les systèmes de rétroaction confirment dans une certaine mesure que les synapses responsables de la transmission de l’information à d’autres régions du cerveau l’ont fait correctement», explique Anthony Holtmaat, professeur en neurosciences fondamentales à la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui dirige cette étude.

Les moustaches éclairent le rôle des systèmes de rétroaction

Les moustaches de la souris, spécialisées dans la détection tactile, jouent un rôle essentiel dans la capacité de l’animal à comprendre son environnement direct. La partie du cortex qui traite les informations sensorielles des moustaches optimise continuellement ses synapses afin d’intégrer de nouveaux aspects de l’environnement tactile de l’animal. C’est donc un modèle intéressant pour comprendre le rôle des systèmes de rétroaction dans les mécanismes d’apprentissage synaptique.

Les scientifiques de l’UNIGE ont isolé un circuit de rétroaction lié aux moustaches et utilisé des électrodes pour mesurer l’activité électrique des neurones dans le cortex. Ils ont ensuite simulé un input sensoriel en stimulant une partie spécifique du cortex qui traite cette information et ont contrôlé, par un faisceau lumineux, le circuit de rétroaction. «Ce modèle ex vivo nous a permis de contrôler la rétroaction indépendamment de la stimulation sensorielle, ce qui est impossible à faire in vivo. Cependant, il était essentiel de déconnecter cette stimulation de la rétroaction pour comprendre comment l’interaction entre les deux mène au renforcement synaptique» ajoute Anthony Holtmaat.

Une porte s’ouvre pour l’information

L’équipe a constaté que les deux composants, lorsqu’ils sont déclenchés séparément, activent un large éventail de neurones. Cependant, lorsqu’ils sont activés simultanément, certains neurones réduisent au contraire leur activité. «Il est intéressant de noter que les neurones inhibés lorsque la stimulation sensorielle et la rétroaction se produisent simultanément inhibent habituellement les neurones importants pour la perception ; ce qu’on appelle une inhibition de l’inhibition ou une désinhibition», explique Leena Williams, chercheuse à la Faculté de médecine de l’UNIGE et première auteure de cette étude. «Ces neurones agissent comme s’ils ouvraient une porte normalement fermée pour l’information entrante, et qui s’ouvre grâce à la boucle de rétroaction. Cela permet de renforcer les synapses qui traitent l’information sensorielle primaire. Notre recherche nous a permis d’identifier la façon dont la rétroaction optimise les connexions synaptiques afin de mieux interpréter les informations futures», ajoute-t-elle.

Maintenant qu’ils ont identifié avec précision les neurones impliqués dans ce mécanisme, les chercheurs vont tester leurs résultats et vérifier si les neurones inhibiteurs se comportent comme prévu lorsqu’une souris a besoin d’intégrer de nouvelles informations sensorielles ou lorsqu’elle découvre de nouveaux aspects dans son environnement tactile.

Un coup de pouce pour l’intelligence artificielle

Comment les circuits du cerveau s’optimisent-ils? Comment un système peut-il apprendre par lui-même en analysant sa propre activité? Pertinentes pour la compréhension de l’apprentissage chez les animaux, ces questions sont aussi au cœur des programmes d’intelligence artificielle et de machine learning dont certains spécialistes tentent d’imiter les circuits du cerveau pour construire des systèmes intelligents. Les résultats obtenus par les chercheurs de l’UNIGE pourraient être pertinents pour l’apprentissage autonome, une branche du machine learning qui conçoit des circuits capables de s’auto-organiser et d’optimiser le traitement des nouvelles informations. Un pas supplémentaire vers la création de programmes de reconnaissance vocale ou faciale encore plus efficaces.

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