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L'agressivité des tout-petits : la génétique l'emporte sur l'environnement Une nouvelle étude permet de mieux comprendre la manière d'aborder l'agressivité chez les tout-petits

New study provides greater understanding of how to address childhood aggression

Peer-Reviewed Publication

University of Montreal

Ce communiqué est disponible en anglais.

MONTRÉAL, le 21 janvier 2014 – Selon une nouvelle étude dirigée par le chercheur Éric Lacourse de l'Université de Montréal et du CHU Sainte-Justine, l'émergence de l'agressivité physique chez les tout-petits serait étroitement liée à des facteurs génétiques et, dans une moindre mesure, environnementaux. Éric Lacourse a fait appel aux parents de vrais et de faux jumeaux en vue d'évaluer et de comparer leurs comportements, leur environnement et leurs traits génétiques.

« L'analyse des facteurs génétiques et environnementaux a révélé une forte association entre les facteurs génétiques qui s'expriment tôt chez les tout-petits et la tendance que suit leur développement. Cette association explique en grande partie la stabilité ou la variabilité de leur niveau d'agressivité physique, explique le professeur Lacourse. Ça ne signifie pas pour autant que la tendance à l'agressivité physique en bas âge soit permanente ou immuable. Des facteurs génétiques et environnementaux peuvent entrer en interaction à tout moment et modifier la chaîne de causes qui débouchent sur un comportement donné. »

Depuis 25 ans, les études sur l'émergence précoce de l'agressivité physique sont largement teintées par les théories de l'apprentissage social, selon lesquelles l'émergence et l'intensification de l'agressivité physique découleraient principalement de l'exposition répétée des enfants à des modèles d'identification agressifs dans leur environnement social et médiatique. Toutefois, les résultats d'études initiées par une équipe de l'Université de Montréal portant sur l'agressivité physique pendant la petite enfance révèlent que ces manifestations débuteraient au cours de la petite enfance et atteindraient leur sommet entre l'âge de deux et quatre ans. Bien qu'elles révèlent que les manifestations d'agressivité physique atteignent leur apogée pendant la petite enfance chez la majeure partie des enfants, ces études permettent également de relever des écarts importants sur les plans tant de l'émergence que le rythme d'évolution de l'agressivité physique en raison de l'interaction des facteurs génétiques et environnementaux dans le temps. Les études des comportements perturbateurs et des différentes formes d'agressivité au fil d'une vie reposant sur des données génétiquement informatives concluent généralement que les facteurs génétiques sont à l'origine d'environ 50 % des écarts relevés dans la population.

Le professeur Lacourse et ses collègues ont postulé et mis à l'épreuve trois modèles théoriques généraux relatifs aux rôles d'agents déclencheurs et intensificateurs des facteurs génétiques et environnementaux dans l'agressivité physique. Le premier modèle reposait sur le point de vue le plus consensuel et le plus répandu, selon lequel les deux sources d'influence sont omniprésentes et jouent un rôle dans la stabilité de l'agressivité physique. Le deuxième s'articulait autour d'un seuil génétique et supposait qu'un seul ensemble de facteurs génétiques pouvait expliquer le degré d'agressivité physique au fil du temps. Le troisième modèle, axé sur la maturation génétique, supposait l'émergence de nouvelles sources d'influence génétiques et environnementales au fil du vieillissement. « Selon l'hypothèse de la maturation génétique, de nouveaux agents environnementaux contribuant à l'agressivité physique pourraient s'échelonner sur une durée très courte, à l'inverse des facteurs génétiques », précise le chercheur.

À propos de la cohorte de jumeaux à l'étude

Cette étude portant sur des jumeaux est dirigée par Michel Boivin, de l'Université Laval, ainsi que par Richard Tremblay, également affilié à l'Université de Montréal et University College Dublin. Tous les parents de jumeaux nés dans la région du Grand Montréal (Canada) entre avril 1995 et décembre 1998 ont été invités à prendre part à l'étude, ce qui a conduit à la participation de 667 couples de jumeaux monozygotes et dizygotes; « monozygote » qualifie les jumeaux provenant du même embryon, soit qui sont identiques, tandis que « dizygote » réfère aux jumeaux issus d'embryons distincts, donc qui ne sont pas identiques.

Les mères ont été invitées à noter les manifestations d'agressivité physique de leurs jumeaux en consignant des comportements tels que les coups de poing et de pied, les morsures et les bagarres, à 20, 32 et 50 mois. « Les résultats des analyses des facteurs génétiques et environnementaux ont appuyé dans une certaine mesure les hypothèses axées sur le seuil génétique, mais ont principalement soutenu les hypothèses associées à la maturation génétique, précise le professeur Lacourse. Les facteurs génétiques ont toujours permis d'expliquer en grande part les écarts entre individus quant au degré de manifestation de l'agressivité physique. Plus généralement, le rôle restreint des facteurs environnementaux communs aux jumeaux dans ce type d'agressivité entre en contradiction avec les résultats des études menées sur des enfants non jumeaux, à l'occasion desquelles plusieurs facteurs familiaux ou parentaux permettaient de prédire les trajectoires des manifestations d'agressivité physique pendant la petite enfance. » Nos résultats indiquent que l'incidence de ces facteurs pourrait ne pas s'avérer aussi directe qu'on le croyait jusqu'ici.

Des études à long terme des manifestations d'agressivité physique démontrent clairement que la plupart des enfants, adolescents et adultes apprennent au fil du temps à réagir autrement que par des comportements agressifs. « Puisque la propension aux comportements agressifs pendant la petite enfance peut susciter des réactions négatives de la part des parents et des pairs et, par la suite, engendrer des situations susceptibles de maintenir et d'intensifier ces comportements, l'agressivité physique précoce doit être abordée avec soin, souligne le chercheur. Ces cycles d'agressivité entre les enfants, dans la fratrie ou à l'égard des parents, ainsi qu'entre les enfants et leurs pairs, peuvent contribuer à l'émergence d'une agressivité physique plus chronique. » Nous explorons actuellement l'incidence de ces interactions entre les facteurs génétiques et environnementaux.

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À propos de cette étude

Éric Lacourse, Ph. D., Michel Boivin, Ph. D., Mara Brendgen, Ph. D., Amélie Petitclerc, Ph. D., Alain Girard, M. Sc., Frank Vitaro, Ph. D., Stéphane Paquin, doctorant, Isabelle Ouellet-Morin, Ph. D., Ginette Dionne, Ph. D., et Richard E. Tremblay, Ph. D. ont publié l'étude intitulée « A longitudinal twin study of physical aggression during early childhood: Evidence for a developmentally dynamic genome », dans la revue Psychological Medicine, le 21 janvier 2014 (version Web). Cette étude a été financée grâce à des subventions octroyées par le Programme national de recherche et de développement en matière de santé, le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, les Instituts de recherche en santé du Canada, le programme de la Chaire de recherche du Canada, le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture, ainsi que le Fonds de la recherche en santé du Québec. E. Lacourse, M. Boivin, M. Brendgen, A. Girard, F. Vitaro, S. Paquin, I. Ouellet-Morin, G. Dionne et R. E. Tremblay sont tous affiliés à l'Unité de recherche clinique en inadaptation psychosociale du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine de l'Université de Montréal. É. Lacourse et S. Paquin sont affiliés au Département de sociologie de l'Université de Montréal, F. Vitaro au Département de psychoéducation du même établissement, et I. Ouellet-Morin à l'École de criminologie de même qu'à l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal affilié à cette université. A. Petitclerc est affiliée au National Center for Children and Families, Teachers College, à l'Université Columbia. M. Boivin et G. Dionne sont affiliés à l'École de psychologie de l'Université Laval. M. Brendgen est affiliée au département de psychologie de l'Université du Québec. R. E. Tremblay est également affilié aux départements de psychologie et de pédiatrie de l'Université de Montréal, ainsi qu'à la School of Public Health, Physiotherapy and Population Science de l'University College Dublin (Irlande).


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