Pourquoi un traitement ne fonctionne-t-il pas de la même manière chez tous les patients ? Comment optimiser les résultats dun médicament sans pour autant provoquer des effets secondaires à cause dun surdosage ? Pour résoudre ces problèmes, des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE) ont mis au point une plateforme de culture cellulaire qui reproduit en trois dimensions la structure tumorale du patient. Ainsi, il leur est possible de tester plusieurs combinaisons de médicaments aux différents stades de développement de cette tumeur particulière. En cinq jours, les scientifiques sont ensuite en mesure de définir quel traitement sera le plus efficace pour ce cas précis et à quel moment ladministrer au patient. Des résultats prometteurs pour la médecine personnalisée, à lire dans la revue Scientific Reports.
Le cancer colorectal est la troisième forme de cancer la plus couramment diagnostiquée et la quatrième la plus meurtrière au monde : 1,4 million de personnes sont touchées chaque année, dont 700000 de manière mortelle. Aujourdhui, différents traitements sont appliqués, comme la chimiothérapie, mais leurs dosages élevés provoquent de nombreux effets secondaires et le développement de résistances. Ils sont actuellement testés sur des cultures cellulaires tumorales à deux dimensions (2D), puis appliqués au patient. «Mais cela ne correspond pas à la réalité, sexclame Patrycja Nowak-Sliwinska, professeure à la section des sciences pharmaceutiques de la Faculté des sciences de lUNIGE. Une tumeur se développe chez le patient non seulement en trois dimensions (3D), mais contient aussi dautres types de cellules, comme les fibroblastes (tissus) et les cellules endothéliales (vaisseaux sanguins).» Cest pourquoi les scientifiques genevois ont mis au point une nouvelle plateforme qui permet, à partir des lignées de cellules tumorales du patient, de recréer la tumeur en 3D et de la maintenir en vie, afin de pouvoir étudier limpact des traitements lors de ses différents stades de développement.
A chaque patient sa tumeur
Pour ce faire, léquipe de Patrycja Nowak-Sliwinska, en collaboration avec les groupes de Didier Colin (HUG) et dOlivier Dormond (CHUV), a sélectionné six lignées cellulaires, provenant de six patients différents. Les cellules sont par la suite stabilisées dans une plaque de culture creuse, en forme de U, permettant aux cellules de rester agglomérées et de flotter dans un liquide spécial optimisé pour nourrir la tumeur. «La structure peut alors sorganiser seule en 3D et poursuivre son développement, explique Patrycja Nowak-Sliwinska. Ainsi, les trois types de cellules qui composent la tumeur continuent dinteragir entre elles, comme si elles étaient dans le corps du patient.» Une première !
Mieux vaut trois médicaments quun seul
Les chercheurs ont ensuite testé plusieurs combinaisons de trois médicaments homologués aux différents stades de développement des tumeurs cultivées. «Notre premier constat est que chaque patient réagit différemment à une même combinaison, démontrant quil est impossible de combattre le cancer colorectal dune seule manière, mais quil faut bien le prendre au cas par cas !», continue la chercheuse genevoise. Ils ont également constaté quune faible combinaison de trois médicaments était bien plus efficace que ladministration à haute dose dun seul dentre eux. «La résistance au traitement et les effets secondaires surviennent lorsque le dosage est trop élevé. Combiner plusieurs médicaments à faibles doses permet de contourner ce problème et daméliorer les réponses au traitement», senthousiasme Patrycja Nowak-Sliwinska.
Un traitement personnalisé en cinq jours
Cette nouvelle plateforme ouvre grand les portes à la médecine personnalisée. «En extrayant une ligne cellulaire de la tumeur du patient, il nous est possible de recréer la tumeur en 3D dans notre plateforme et de tester les différentes combinaisons de médicaments directement sur cette tumeur spécifique, afin de sélectionner le traitement optimal pour ce patient particulier», se réjouit Patrycja Nowak-Sliwinska. Ce travail minutieux prend en moyenne cinq jours, un délai suffisamment court pour agir rapidement contre le cancer. «Ici, nous nous sommes intéressés au cancer colorectal, mais cette plateforme, facile à reproduire, peut bien évidemment être utilisée pour toutes sortes de tumeurs à un coût relativement faible», conclut la chercheuse genevoise.
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Scientific Reports