Pour la production de séquences numériques ou la conception de grandes structures accueillant du public, il peut être nécessaire de simuler précisément les mouvements et le comportement dune foule. Mais prédire quantitativement la dynamique collective dun groupe en réponse à des stimulations externes reste encore un problème largement ouvert, basé principalement sur des modèles où les actions de chaque individu sont simulées selon des règles comportementales empiriques. Il nexistait jusquà maintenant aucun modèle physique testé expérimentalement qui décrive lhydrodynamique dune foule sans présupposer de règles comportementales.
De récents travaux de chercheurs dun laboratoire rattaché au CNRS, à lENS de Lyon et à lUniversité Claude Bernard Lyon 1 présentent une première équation de ce genre, déduite dune campagne de mesures conduite sur des foules rassemblant plusieurs dizaines de milliers dindividus. Les physiciens se sont intéressés aux cohortes de coureurs au début dun marathon, lorsquils sont guidés jusquà la ligne de départ. Un cordon dorganisateurs guide les coureurs par des séquences successives de marche et darrêt. Ce protocole fournit une perturbation périodique et contrôlée analogue aux stimulations typiquement utilisées pour sonder la réponse mécanique des fluides.
De façon tout à fait remarquable, le comportement des groupes varie très peu dune assemblée de coureurs à une autre, dune course à une autre, mais aussi dun pays à un autre, avec une information sur la vitesse se propageant constamment à un peu plus d1 m/s. Les chercheurs ont pu établir une description générique des écoulements de ces foules, capable de prédire exactement dautres écoulements : ainsi, les flux observés avant une course à Chicago en 2016 ont permis de prédire celui de milliers de coureurs au départ du marathon de Paris en 2017.
En analysant les images prises avant le départ de cinq courses par des techniques standards en mécanique des fluides, les chercheurs ont mesuré à chaque instant la vitesse de la foule, décrite comme un liquide en écoulement. Leurs résultats montrent que linformation sur la vitesse à suivre se propage sous forme dondes sur plusieurs centaines de mètres vers larrière du groupe, sans perte dintensité. À lopposé, toute modification de la trajectoire du mouvement de la foule se dissipe rapidement en ne se diffusant que sur quelques mètres à peine dans la foule. En résumé : linformation sur la vitesse de déplacement se propage sans difficulté dans ce fluide, au contraire de linformation sur lorientation.
Les physiciens veulent maintenant étudier la réponse de groupes dindividus à des perturbations extrêmes afin de tester les limites de leur description hydrodynamique des foules.
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1. Laboratoire de physique de lENS de Lyon (ENS de Lyon/CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1)
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Science