Les cellules se multiplient en se dupliquant : elles grossissent, répliquent leurs composants et se scindent finalement en deux. De nombreuses maladies sont justement liées à des défauts de division cellulaire, à limage du cancer. Comprendre le mécanisme de cette division est donc primordial dans la recherche de traitements anticancéreux. Des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE), en collaboration avec le IMBA- Institut de biologie moléculaire du Vienna Biocenter (VBC) et le Cornell Weill College de New-York, se sont penchés plus particulièrement sur le rôle des protéines ESCRT, responsables de la coupure de la membrane cellulaire. Celles-ci sassemblent en spirales qui vont progressivement provoquer la coupure de la membrane, des spirales qui se renouvellent sans cesse grâce à la molécule Vps4. Sans cette dernière, le renouvellement sarrête, empêchant finalement la coupure de la membrane. Cette recherche, à lire dans la revue Nature Cell Biology, apporte un nouvel éclairage dans la lutte contre le cancer et le VIH, tous deux dépendants de la division cellulaire.
Dans une recherche précédente, léquipe du professeur Aurélien Roux, du Département de biochimie de la Faculté des sciences de lUniversité de Genève (UNIGE), avait découvert que les protéines ESCRT sassemblent sous forme de spirales, structure unique parmi les nombreuses formes créées par les protéines filamenteuses de lorganisme. Pourquoi cette forme unique ? Au cours de la division, la cellule se contracte en son centre pour séparer les deux cellules filles. A la fin de cette étape appelée cytocinèse, il reste un lien très fin entre les cellules, un tube de membrane plasmique la peau de la cellule nommé «pont cytoplasmique». Les spirales formées par ESCRT senroulent sur la face interne de ce tube et le comprime pour le rompre, étape appelée abscission. Léquipe du professeur Roux avait pu montrer que ces spirales se comportaient comme des ressorts de montre, laissant imaginer un scénario où plus les protéine ESCRT sassemblaient, plus elles se comprimaient.
Une recherche menée simultanément in vitro et in vivo
Aujourdhui, après avoir découvert pourquoi ces molécules sassemblaient en spirales, les chercheurs de lUNIGE se sont penchés sur la dynamique de lassemblage. Jusqualors, les scientifiques pensaient quelles sassemblaient comme un lego, les protéines sajoutant progressivement à la structure sans jamais la quitter. Dans le cadre de cette nouvelle étude, les biochimistes ont pu infirmer cette hypothèse. Pour ce faire, ils se sont associés au groupe du professeur Gerlich au Vienna Biocenter afin de mener lexpérience simultanément in vivo (partie des scientifiques viennois) et in vitro (partie des scientifiques genevois).
«De notre côté, nous avons observé la dynamique des protéines ESCRT en les isolant sur une membrane artificielle plate que nous avons créée à base de lipides, sur laquelle nous avons posé les complexes de protéines ESCRT», explique Nicolas Chiaruttini, chercheur à lUNIGE. «Et contrairement à ce que lon pensait, les protéines ne forment pas une spirale figée qui se comprime, mais il y a un renouvellement permanent des protéines, créant des spirales mobiles et souples en constant mouvement», précise-t-il. Grâce à une nouvelle technique dimagerie, léquipe de Simon Scheuring à New-York, en collaboration avec léquipe de lUNIGE, a pu visualiser directement la dynamique et la souplesse de ces spirales. En approfondissant la recherche, les biochinistes ont constaté que ce renouvellement ne peut se faire sans la molécule Vps4, qui fait partie intégrante des complexes de protéines ESCRT. «Vps4 est connu pour enlever des molécules dans les structures polymériques. Elle est donc lingrédient indispensable de la rupture de la membrane en permettant le renouvellement des spirales», ajoute Aurélien Roux.
Constat intéressant, les chercheurs viennois sont parvenus exactement aux mêmes conclusions. «Vps4 est apparu comme nécessaire au renouvellement des spirales, lors de nos observations au sein de la cellule en mouvement», explique Beata Mierzwa, chercheuse au IMBA-VBC. Mais, surtout, ils ont observé que labsence ou linactivation de Vps4 provoquait le blocage de la division cellulaire dans 50% des cas, et un fort retard dans les autres 50%. Vps4 et le renouvellement constant des ESCRTs apparaissent donc essentiels pour labscission. «Il est rare de pouvoir effectuer simultanément des expériences in vivo et in vitro, et le fait que les résultats coïncident permet dasseoir réellement notre étude», ajoute-t-elle.
De nouvelles stratégies de traitements contre le virus du VIH et le cancer
Le cancer est caractérisé par la multiplication excessive de cellules malades. En élucidant le rôle de la molécule Vps4 dans la division cellulaire, les chercheurs des mécanismes qui pourrait être la cible de nouveau traitement, par exemple, et empêcher le renouvellement des protéines ESCRT et la prolifération de la maladie. De même, lorsquune cellule est infectée par le virus du VIH, les particules virales bourgeonnent de la membrane, puis finissent par sen détacher pour infecter dautres cellules. Le virus doit donc également couper la membrane cellulaire pour se libérer et diffuser la maladie, étape également réalisée par les protéines ESCRT. Là encore, cibler la molécule Vps4 pourrait empêcher le virus de quitter la cellule infectée.
Le rôle premier de la recherche fondamentale nest pas de trouver de nouveaux médicaments pour le traitement du cancer ou du sida, mais plutôt, en comprenant comment ESCRT et Vps4 participent à la division cellulaire et à la réplication du virus, « de fournir aussi bien des connaissances essentielles pour traiter ces maladies, que des indices sur les interactions potentielles entre les traitements » conclut Aurélien Roux.
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Journal
Nature Cell Biology