Les spécimens de musée conservés dans les collections dhistoire naturelle à travers le monde représentent une manne dinformations génétiques sous-utilisée en raison de létat de conservation de lADN qui le rend souvent peu exploitable. Une équipe internationale, dirigée par des chercheurs/euses de lUniversité de Genève (UNIGE) et du Muséum dhistoire naturelle de la Ville de Genève (MHN), a optimisé une méthode danalyse dADN ancien pour déterminer les relations entre espèces sur une échelle évolutive profonde. Ce travail est publié dans la revue Genome Biology and Evolution.
En combinant et comparant les séquences dun grand nombre de gènes ou de génomes complets, il est possible détablir les liens existants entre des espèces apparentées et retracer les principales étapes de lévolution des organismes depuis un ancêtre commun. Ces études phylogénomiques se basent sur lamplification et le séquençage de fragments dADN, suivis danalyses bioinformatiques pour comparer les séquences. Elles nécessitent donc classiquement un ADN soigneusement échantillonné et en bon état de conservation.
Décrypter des ADN dégradés
Pour cette raison, la plupart des spécimens conservés dans les musées dhistoire naturelle nont pas encore révélé tous leurs secrets puisque dans la plupart des cas, lADN est souvent fortement dégradé et difficile à séquencer. Une équipe internationale menée par Emmanuel Toussaint, chargé de recherche au MHN, et Nadir Alvarez, chercheur au Département de génétique et évolution de la Faculté des sciences de lUNIGE et conservateur en chef au MHN, a perfectionné une méthode déjà utilisée pour des échantillons bien conservés afin de pouvoir lappliquer à des ADN très fragmentés suite à leur dégradation partielle. La technique HyRAD-X consiste à aller pêcher des morceaux du génome à analyser grâce à des sondes ADN issues despèces proches, pour ensuite les séquencer et détecter les différences entre les génomes. Ces sondes ADN ne sont cependant des hameçons efficaces que pour les génomes proches et cette technique navait jusquà présent permis de suivre lévolution que dune même espèce au cours du temps.
Dans ces travaux, les scientifiques ont utilisé des sondes HyRAD-X à ARN à la place des sondes ADN pour retrouver des fragments dintérêt dans le génome. Les ARN, copies des molécules de lADN en charge du transfert de linformation codée par le génome, présentent une affinité très forte pour lADN et les appariements ARN-ADN se produisent plus facilement que des appariements ADN-ADN. Les sondes ARN sont donc des hameçons plus efficaces, notamment lorsque le génome à analyser présente des divergences plus grandes. «Grâce à cette nouvelle méthode, nous avons pu retracer lhistoire évolutive, non pas au sein dune seule espèce sur un million dannées, mais au sein de plusieurs espèces et sur des dizaines de millions dannées!», explique Emmanuel Toussaint, premier auteur de létude.
La généalogie du carabe mieux connue
Les chercheurs/euses se sont intéressé-es aux spécimens dun carabe emblématique de lîle de Sainte-Hélène au milieu de locéan Atlantique, collectés dans les années 1960 et conservés au MHN de Genève. Lanalyse de lADN de ces coléoptères a révélé que cette espèce, aujourdhui éteinte et jusquà présent classée dans le genre Aplothorax, appartient en réalité au genre Calosoma. Elle a également permis de situer son origine biogéographique vraisemblablement en Afrique et de générer la chronologie de lévolution de la sous-famille des Carabinae dont lorigine remonte au Crétacé inférieur. «Notre étude ouvre de nombreuses perspectives pour établir lhistoire évolutive des millions de spécimens des collections muséales à travers le monde», conclut Nadir Alvarez.
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Journal
Genome Biology and Evolution