Antoine Aiello, Nora Dempsey, François Jérôme et Amanda Silva Brun sont les quatre lauréats de la médaille de l'innovation 2021 du CNRS. Créée il y a 10 ans, cette distinction honore des personnalités dont les recherches exceptionnelles ont conduit à des innovations marquantes sur le plan technologique, économique, thérapeutique et social, valorisant la recherche scientifique française.
Dépôts de brevets, programmes de pré-maturation de projets innovants, mais aussi laboratoire de recherche commun avec des acteurs économiques, ou encore accompagnement des futurs créateurs de start-up, « les scientifiques qui manifestent la volonté de valoriser les résultats de leur recherche vers le tissu socio-économique disposent aujourdhui dun vaste choix dopportunités », indique Jean-Luc Moullet, directeur général délégué à linnovation du CNRS. Les quatre lauréats 2021 de la médaille innovation du CNRS illustrent la diversité des voies de valorisation quil est possible demprunter, tout en poursuivant des recherches de grande qualité. Pour Jean-Luc Moullet, « il ne sagit pas de transformer chaque scientifique en créateur de start-up, mais il importe de continuer à distiller lesprit dentrepreneuriat au sein des laboratoires ».
Antoine Aiello, lingénierie écologique au service de la mer
« Je suis guidé par une vision du monde où lexploitation raisonnée des ressources naturelles, accompagnée par linnovation scientifique, sarticule de manière harmonieuse avec les spécificités environnementales, sociales et culturelles dun territoire », explique Antoine Aiello. Cette vision est à lorigine de la plateforme Stella mare1, dédiée à lingénierie écologique marine et littorale, dont ce chercheur, issu dune famille de pêcheurs, spécialiste de modélisations et de simulations comportementales des systèmes complexes, est le créateur et aujourdhui le directeur.
Labellisée par le CNRS en 2011, Stella mare réunit scientifiques, professionnels de la mer, gestionnaires de lenvironnement et acteurs institutionnels dans le but de parvenir à une gestion intégrée des ressources halieutiques. Il sagit de maîtriser la reproduction et lélevage despèces « ingénieures » remarquables dun point de vue écologique et/ou socio-économique. Un exemple, lhuître plate, une espèce que les ostréiculteurs corses ne parvenaient pas à cultiver. 500 000 individus sont désormais en culture dans létang de Diana, et il est prévu de passer à 4 millions lannée prochaine. Ces huitres ont aussi été installées dans le port de Bastia et les scientifiques ont démontré quelles pouvaient « bio-épurer » léquivalent du volume deau du port en une semaine. Maintien des stocks, restauration écologique ou encore exploitation de services écosystémiques, Stella mare passe par des chemins de valorisation originaux, avec la vocation de diffuser, bien au-delà de « lîle de beauté », la création dune bioéconomie bleue.
Nora Dempsey : des micro-aimants tous azimuts
Nora Dempsey, à lInstitut Néel du CNRS, laffirme avec enthousiasme : « il y a une profonde motivation à voir valorisés les résultats de mes recherches ». Recrutée en 2001 au CNRS, elle sest fait un nom en développant des procédés de synthèse de micro-aimants haute performance, dont elle contrôle la structure magnétique à différentes échelles. Ce savoir-faire, la physicienne lexploite dans des collaborations avec des industriels, tel Toyota, où ses réalisations servent de systèmes modèles pour améliorer les performances daimants utilisés pour la motorisation de véhicules hybrides. A travers ses collaborations, Nora Dempsey a également participé à la naissance de la start-up Magia Diagnostic qui utilise des micro-aimants pour capturer des molécules dans des applications de diagnostic médical. Par ailleurs, le dispositif quelle a développé pour caractériser des couches magnétiques sur des sortes de plaques appelées wafers2 a trouvé une application auprès de lentreprise Hprobe, spécialisée dans les tests de composants spintroniques. Actuellement, Nora Dempsey mène le projet de maturation MicroMagFab dédié à lintégration de micro-aimants dans des micro-systèmes de type moteur, actionneur ou récupérateur dénergie.
François Jérôme, catalyseur de chimie durable
Spécialiste de la catalyse, François Jérôme est aux avant-postes du développement dune chimie durable, dont lutilisation de la biomasse représente lun des axes essentiels. Ses travaux sont fondés sur lutilisation dagents physiques (champs électriques, ondes de choc, ondes ultrasonores) pour déclencher des réactions de transformation du sucre dorigine végétale en produits chimiques : tensio-actifs, solvants, monomères évitant ainsi le recours à une activation chimique. Afin daccélérer la mise sur le marché de produits innovants, François Jérôme collabore avec le groupe Solvay depuis 2014, mais également avec des PME telles que A.R.D., le FCBA ou Seprosys. Signe de la robustesse des liens avec Solvay : depuis 2019, son équipe3 est le « site miroir » du laboratoire international CNRS-Solvay sur la catalyse, situé à Shanghai. Comme il lexpose, « lessor dune chimie durable passe par la construction de liens étroits entre les scientifiques, les industriels et la société. » Pour y contribuer, François Jérôme est à lorigine de la fédération de recherche du CNRS Increase. Créée en 2015, elle réunit huit laboratoires et de nombreux industriels. François Jérôme est aussi à linitiative de lInternational symposium on green chemistry, qui est devenu un congrès international de référence de la chimie verte.
Amanda Silva Brun : des vésicules pour la médecine régénérative
« Mon objectif est de travailler en équipe au développement de thérapies innovantes à partir des vésicules extracellulaires et de comprendre les mécanismes associés », résume Amanda Silva Brun, au Laboratoire matière et systèmes complexes4. Double docteur, en pharmacie et en biologie, son activité de recherche sétend de la conception de technologies de production et dingénierie des vésicules extracellulaires (VEs) à leurs applications pour la médecine régénérative et la délivrance de principes actifs. A partir de 2016, elle travaille sur le développement dune technologie pour produire en masse ces « particules cellulaires » naturellement émises par les cellules, en stimulant leur libération via un flux turbulent. En parallèle, elle travaille à la mise au point dun traitement des fistules digestives (des communications anormales entre deux organes par exemple), permettant de retenir les VEs dans la fistule grâce à un gel. Afin de valoriser ces innovations, la jeune femme de 37 ans et ses collaborateurs cofondent en 2019 et 2020 les deux start-up EverZom, dédiée à la production des vésicules, qui prépare sa deuxième levée de fonds et qui multiplie les prix et les distinctions et Evora, autour du traitement des fistules et qui est à la recherche dinvestisseurs avec en ligne de mire la préparation dessais cliniques sur lHomme. Elle en est désormais la conseillère scientifique. Lauréate de lERC lannée dernière, Amanda Silva Brun entend poursuivre ses recherches, aussi sur les aspects mécanistiques.
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Pour en savoir plus, un article du CNRS le Journal : https://lejournal.cnrs.fr/nos-blogs/de-la-decouverte-a-linnovation/voici-les-laureats-2021-de-la-medaille-de-linnovation
Notes
1 CNRS / Université de Corse Pasquale-Paoli.
2 Un wafer est une plaque très fine de matériau semi-conducteur utilisée pour fabriquer des composants de microélectronique.
3 Il travaille à lInstitut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (CNRS / Université de Poitiers).
4 CNRS / Université de Paris.