Les causes de la sclérose en plaques sont encore mystérieuses. Lon suppose que son déclenchement découle dune part dune composante génétique, et dautre part dune composante environnementale. Mais laquelle ? Dans un modèle murin de la maladie, des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont étudié le lien potentiel entre les infections virales cérébrales transitoires survenues lors de la petite enfance et lapparition dune maladie auto-immune cérébrale plus tard dans la vie. En effet, la zone cérébrale touchée dans lenfance subit une modification des tissus qui appelle, des années plus tard, le système immunitaire à se retourner contre lui-même à cet endroit précis, déclenchant les lésions auto-immunes. Ces résultats, à lire dans la revue Science Translational Medicine, donne un premier élément de réponse sur lune des causes possibles de cette grave maladie.
La sclérose en plaques touche en Suisse une personne sur 1000, dont deux tiers de femmes. Il sagit de la maladie auto-immune cérébrale la plus fréquente. Aujourdhui, il nexiste pas encore de traitement pouvant la guérir, de même que les causes de son déclenchement vers lâge de 30 ans ne sont pas encore connues. «Nous nous sommes demandés si les infections virales cérébrales contractées durant la petite enfance faisaient partie des causes possibles», relève Doron Merkler, professeur au Département de pathologie et dimmunologie de la Faculté de médecine de lUNIGE et médecin-adjoint agrégé au Service de pathologie clinique des HUG. En effet, les infections transitoires du cerveau peuvent être gérées rapidement par le système immunitaire, sans même que lenfant ne sen aperçoive. «Mais une telle infection transitoire peut, dans certaines circonstances, laisser une empreinte locale dans le cerveau, que lon pourrait caractériser de signature inflammatoire», poursuit le chercheur.
Lenfance, moment charnière de la maladie
Pour vérifier cette hypothèse, les scientifiques ont provoqué une infection virale transitoire chez un groupe de souris adultes et chez un groupe de souriceaux. «Dans les deux cas, les souris nont présenté aucun signe de la maladie et ont éliminés linfection en une semaine, montrant une réponse anti-virale similaire», précise Karin Steinbach, chercheuse au Département de pathologie et dimmunologie de la Faculté de médecine de lUNIGE.
Ils ont ensuite laissé vieillir les deux groupes de souris, puis leur ont transféré des cellules immunitaires dirigées contre les structures du cerveau, nommées cellules auto-réactives, que lon retrouve chez un patient atteint de sclérose en plaques. «De telles cellules peuvent également être présentes chez lhomme, sans nécessairement être associées à une maladie, car elles sont contrôlées par différents mécanismes et nont pas accès au cerveau», explique Karin Steinbach.
Chez le groupe de souris infectées par le virus à lâge adulte, les cellules auto-réactives nont effectivement pas induit de lésions cérébrales. Par contre, chez les souris infectées lorsquelles étaient petites, ces cellules auto-réactives ont migré vers le cerveau, à lendroit précis de linfection contractée par le souriceau, et ont commencé à en détruire les structures. Pourquoi une telle différence ?
Une accumulation de lymphocytes T donne le signal
En analysant les tissus de la zone infectée par le virus chez le groupe de souriceaux, les chercheurs ont observé une accumulation dun sous-type de cellules immunitaires: les lymphocytes T à mémoire résidant dans le tissu cérébral. «Normalement, ces dernières sont distribuées dans tout le cerveau, prêtes à le protéger en cas dattaque virale. Mais ici, ces cellules samassent en surnombre à lendroit précis de linfection infantile, changeant la structure du tissu», sétonne Doron Merkler.
Ils ont alors constaté que cette accumulation cellulaire produit une molécule qui attire spécifiquement les cellules auto-réactives, leurs ouvrant laccès au cerveau. Elles se mettent alors à en détruire les structures, provoquant la maladie auto-immune. «Afin de vérifier cette observation, nous avons bloqué le récepteur des cellules auto-réactives qui perçoit le signal produit par laccumulation des lymphocytes T à mémoire résidant dans le cerveau, et effectivement, les souris ont été protégées des lésions cérébrales !», senthousiasme le chercheur genevois.
Une accumulation présente également chez lhomme
«Nous avons ensuite regardé si, chez les personnes atteintes de sclérose en plaques, nous retrouvions cette accumulation de lymphocytes T à mémoires résidant dans le tissu cérébral qui produit le signal dappel aux cellules auto-réactives, et cest bien le cas !», se réjouit Karin Steinbach. Par analogie, les scientifiques suggèrent quun tel mécanisme pourrait exister chez lhomme, mais cela nécessite une étude plus approfondie.
«Nous poursuivons nos recherches dans cette direction, notamment afin de comprendre pourquoi les lymphocytes T saccumulent dans le cerveau chez un enfant suite à linfection, mais ne le font pas à lâge adulte», conclut Karin Steinbach. Les connaissances acquises dans le cadre de cette étude peuvent donc contribuer à la meilleure compréhension des causes possibles de la sclérose en plaques.
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Journal
Science Translational Medicine