Cest un film deau généré par frottement, bien plus mince quattendu et surtout bien plus visqueux que leau usuelle, qui ressemble au « granité » que lon boit lété, qui rend la glace si glissante. Cest ce que viennent de démontrer des chercheurs du CNRS et de lENS-PSL avec le soutien de lÉcole polytechnique, dans une étude parue le 4 novembre 2019 dans Physical Review X.
Le caractère « glissant » de la glace est généralement attribué à la formation d'une mince couche d'eau liquide générée par frottement, ce qui permettrait par exemple à un patin de « surfer » sur ce film liquide. Les propriétés de cette mince couche deau navaient jamais pu être mesurées : son épaisseur restait largement inconnue et ses propriétés, voire son existence même, restaient lobjet de débats. De plus, leau liquide étant connue pour être un mauvais lubrifiant, comment ce film liquide pouvait-il baisser la friction et rendre la glace glissante ?
Pour résoudre ce paradoxe, des chercheurs et chercheuses du Laboratoire de physique de lENS (CNRS/ENS-PSL /Sorbonne Université/Université de Paris), en collaboration avec une équipe du Laboratoire dhydrodynamique (LadHyX, CNRS/École polytechnique), ont mis au point un dispositif, utilisant un diapason, similaire à ceux utilisé en musique, qui permet « découter » les forces à luvre dans le glissement de la glace, avec une précision remarquable. En effet, malgré la taille centimétrique de linstrument, sa sensibilité est telle quil est possible de sonder la glace et danalyser les propriétés de frottement à léchelle nanométrique.
Grâce à leur dispositif unique, les scientifiques ont pour la première fois démontré sans ambiguïté quun frottement génère effectivement un film deau liquide. Ce film réserve cependant plusieurs surprises : avec une épaisseur mesurée de quelques centaines de nanomètres à un micron, soit un centième de lépaisseur dun cheveu, il est beaucoup plus mince que ce que suggéraient les estimations théoriques. Et de façon plus inattendue, ce film est loin d'être de l« eau simple » : il est constitué dune eau aussi visqueuse que de lhuile, avec des propriétés viscoélastiques complexes. Ce comportement inattendu suggère que la glace de surface ne se transforme pas complètement en eau liquide, mais se retrouve plutôt dans un état mixte proche du « granité », un mélange deau glacée et de glace pilée. Le mystère de la glisse sur la glace réside ainsi dans la nature « gluante » de ce film deau.
Ces résultats montrent quil faut complètement remettre à plat les descriptions théoriques qui ont été proposées jusquici pour décrire le frottement sur la glace. Les propriétés anormales de leau fondue sont un paramètre clef qui na jamais été pris en compte jusquà maintenant. Non seulement cela permettra de mieux appréhender la glisse sur la glace, pour les sports dhiver par exemple, mais aussi de suggérer des solutions innovantes pour augmenter la friction, afin déviter les dérapages sur les routes glacées.
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Journal
Physical Review X