Comment faciliter lapprentissage des mathématiques à lécole primaire ? Une étude récente, menée par lUniversité de Genève (UNIGE), avait démontré que nos connaissances du quotidien influençaient fortement notre capacité à résoudre des problèmes, nous conduisant parfois à lerreur. Cest pourquoi des chercheurs de lUNIGE, en collaboration avec quatre équipes de recherche en France, ont aujourdhui élaboré un dispositif pour favoriser lapprentissage des mathématiques à lécole. Nommé ACE-ArithmEcole, ce programme vise à aider les écoliers à dépasser leurs intuitions et connaissances informelles au profit de lusage des principes arithmétiques. Et les résultats sont étonnants ! Plus de la moitié (50,5%) des élèves ayant participé à ce dispositif ont pu résoudre des problèmes difficiles, contre seulement 29,8% pour les élèves ayant suivi le cursus dapprentissage standard. Une étude à lire dans la revue ZDM Mathematics Education.
Dès lâge de 6-7 ans, les écoliers sont amenés à résoudre des problèmes mathématiques impliquant des soustractions et des additions. Pour ce faire, ils utilisent instinctivement des simulations mentales des situations décrites par les problèmes pour trouver la solution. Mais dès que le problème se complexifie, le recours à cette représentation imagée devient impossible ou conduit à lerreur. «Nous avons réfléchi à une méthode qui permettrait de se détacher de ces représentations premières pour favoriser lusage des principes arithmétiques abstraits», explique Katarina Gvozdic, chercheuse de la Faculté de psychologie et des sciences de léducation (FPSE) de lUNIGE. Cette démarche, fondée sur le recodage sémantique, pousse lélève à accéder dès son plus jeune âge aux connaissances arithmétiques. Elle a été pratiquée par des enseignants au cours dune intervention en arithmétique à lécole primaire, nommée ACE-ArithmEcole, qui se substituait au curriculum arithmétique standard.
Pour que les représentations mentales intuitives laissent place à des représentations mathématiques
A la fin de lannée scolaire, léquipe de lUNIGE a évalué dix classes délèves de 6-7 ans en France (niveau 3ème primaire). Dans cinq classes, dites contrôles, les professeurs avaient enseigné les mathématiques de manière classique. Dans les cinq autres classes, ils avaient mis en uvre le dispositif dACE-ArithmEcole qui poussait les élèves à favoriser labstraction. «Pour induire les écoliers à pratiquer le recodage sémantique, on leur fournit différents outils, comme des schémas en ligne et des schémas boîtes, expose Emmanuel Sander, professeur au Département des sciences de léducation de la FPSE de lUNIGE. Lidée est que lorsquils lisent un problème, comme «Luc a 22 billes, il en perd 18. Combien lui reste-t-il de billes?», les élèves se détachent de lidée que la soustraction consiste toujours dans la recherche dun reste après une perte, et quils réussissent plutôt à la voir comme le calcul dun écart, dune distance à mesurer. Il sagit de montrer aux élèves comment recoder cette situation.»
Après une année denseignement fondé sur cette pratique, les chercheurs de lUNIGE ont évalué leur intervention en présentant aux élèves des problèmes répartis en trois catégories principales: la combinaison («Jai 7 billes bleues et 4 billes rouges, combien en ai-je en tout?»), la comparaison («Jai 7 roses et 11 marguerites dans un bouquet, combien y a-t-il de marguerites de plus que de roses?») et la transformation («Jai 4CHF et jen gagne encore. Jai à présent 11CHF. Combien en ai-je gagné?»). Dans chacune de ces catégories figuraient des problèmes faciles à se représenter mentalement et à résoudre avec des stratégies informelles, et dautres difficiles à simuler mentalement et pour lesquels le recours aux principes arithmétiques était nécessaire.
Des résultats sans appel
A lissue de ces tests, les chercheurs ont constaté des résultats sans appel: les élèves ayant appris à résoudre des problèmes mathématiques avec le dispositif ACE-ArithmEcole ont été 63,4% à répondre correctement aux problèmes faciles à simuler mentalement, et 50,5% à trouver la réponse des problèmes les plus complexes. « Au contraire, les élèves du cursus standard nont été que 42,2% à réussir les problèmes simples, et seulement 29,8% à trouver la bonne réponse aux problèmes complexes!», sexclame Katarina Gvozdic. «Et pourtant, leur niveau mesuré sur dautres aspects des mathématiques avait été testé et était identique», ajoute Emmanuel Sander.
Cette différence sexplique par le recours très fréquent à lusage des principes mathématiques, plutôt quaux simulations mentales, de la part des élèves ayant participé au dispositif ACE-ArithmEcole. « Grâce aux outils qui leur avaient été proposés et aux activités qui y ont recours, les élèves ont appris à se détacher des simulations informelles et à éviter les pièges qui en découlent », senthousiasme Katarina Gvozdic.
Ces résultats sont prometteurs et constituent un support pour favoriser labstraction et se détacher des simulations mentales. «A présent, nous voulons élargir cette méthode denseignement aux classes plus avancées, en y intégrant également la multiplication et la division», continue la chercheuse genevoise. «De plus, elle pourrait être appliquée à dautres matières scolaires pour lesquelles les conceptions intuitives constituent des obstacles, comme les sciences ou la grammaire», ajoute Emmanuel Sander. Lidée étant de généraliser lusage du recodage sémantique à lécole et de lintégrer plus largement aux méthodes denseignement.
###