Une personne sur 2000 souffre dune microdélétion du chromosome 22 pouvant entrainer à ladolescence le développement de maladies psychotiques, comme la schizophrénie. Outre des symptômes tels que les hallucinations ou les idées délirantes, les maladies psychotiques saccompagnent également dune dégradation progressive du quotient intellectuel (QI). Les traitements médicamenteux actuels parviennent à contenir les symptômes psychotiques, mais rien ne peut être entrepris pour prévenir la dégradation des compétences intellectuelles, source de perte dautonomie. Des chercheurs/euses de lUniversité de Genève (UNIGE) ont découvert que si des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine une classe de médicaments uvrant contre lanxiété et la dépression sont prescrits à la fin de lenfance, ils réduisent la dégradation des capacités intellectuelles et ont un effet neuroprotecteur sur certaines des régions du cerveau affectées par la maladie psychotique. Cette étude, à lire dans la revue Translational Psychiatry, ouvre un nouveau champ de recherche et un nouvel espoir pour les personnes atteintes par la microdélétion du chromosome 22.
Le quotient intellectuel moyen se situe autour de 100 points. Mais chez les personnes pouvant développer une maladie psychotique, comme celles atteintes par une microdélétion du chromosome 22, la moyenne diminue à 70-80 points. «Le problème est que lorsquune psychose se déclare, comme la schizophrénie, le lobe frontal cérébral et lhippocampe sont particulièrement touchés, ce qui entraine une dégradation progressive des capacités intellectuelles, déjà en dessous de la moyenne, de la personne malade», explique Valentina Mancini, chercheuse au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de lUNIGE et première auteure de létude. Dès lors, le QI moyen chute autour de 65-70 points, conduisant à une perte dautonomie qui nécessite un environnement protégé. «A lheure actuelle, les traitements médicamenteux parviennent à gérer et contenir les symptômes psychotiques, comme les hallucinations, lanxiété ou encore la distorsion de la réalité, mais il nexiste pas de traitement permettant de diminuer la dégradation des capacités intellectuelles des personnes malades», constate la chercheuse genevoise.
200 patient-es suivis pendant 20 ans révèlent une solution possible
Léquipe de Stéphan Eliez, professeur au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de lUNIGE, suit depuis une vingtaine dannées 200 patient-es touché-es par la microdélétion du chromosome 22. «Sur ces personnes, 30% à 40% ont développé une schizophrénie, précise-t-il. Grâce à cette cohorte, nous avons constaté que les personnes souffrant de ce syndrome perdaient de 7 à 8 points de QI de lenfance à lâge adulte. Ce chiffre passe à 15 points de QI si la personne développe des troubles psychotiques.»
Pourtant, les médecins remarquent que deux à trois adolescent-es par an font exception, allant jusquà gagner des points de QI. Pourquoi? «Face à cette interrogation, nous avons entrepris lanalyse intégrale des données médicales de ces patient-es, afin de découvrir si un point commun se dégageait dans les traitements qui leur avaient été prescrits par leur médecin traitant», expose Valentina Mancini. Deux observations ont retenu leur attention.
La première est la prescription à petites doses régulières dinhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine un neurotransmetteur impliqué dans la régulation du comportement à la fin de lenfance, et ce pendant toute la durée de ladolescence. «Ces médicaments augmentent la neurogénèse et agissent sur la plasticité synaptique. Ils sont prescrits aujourdhui pour diminuer lanxiété et les symptômes dépressifs», explique la chercheuse genevoise. Léquipe de recherche a ainsi constaté que plus les patient-es recevaient ce traitement jeunes, vers 10-12 ans, plus le lobe frontal et lhippocampe et donc les capacités intellectuelles étaient préservés des détériorations provoquées par la maladie psychotique. La seconde observation relève quun neuroleptique prescrit à petites doses pour contrôler les symptômes psychotiques comme les hallucinations ou les délires semble également avoir un effet positif sil est ajouté aux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine durant ladolescence. «Ces deux médications, surtout lorsquelles sont combinées, ont ainsi préservé la structure anatomique du cerveau touchée par la dégradation responsable de la baisse des capacités intellectuelles», senthousiasme Stéphan Eliez.
Une découverte prometteuse pour lavenir des personnes à risque de psychose
Cette étude fournit pour la première fois une indication sur un traitement préventif neuroprotecteur pour le développement et la préservation du QI. «Il faut souligner quune trop forte dégradation des compétences intellectuelles entraine progressivement une dépendance psychosociale très problématique pour les personnes malades. Ici, nous pourrions parvenir à protéger cette population», relève Stéphan Eliez.
Lorsque les résultats de cette étude seront confirmés, il sera possible de tester leffet des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine sur dautres populations cliniques. Il sera donc possible de les prescrire à titre préventif aux 2% à 3% de la population à risque de détérioration intellectuelle, comme par exemples les personnes atteintes dautres syndromes génétiques comme lX fragile ou la trisomie 21, ou encore les enfants de parents schizophrènes, qui représentent 1% de la population. «Nous souhaitons également pousser les recherches afin de découvrir si les 3% à 4% des adolescents dans la population générale développant des symptômes psychotiques verraient ce risque diminuer par la prise de ce médicament», continue Valentina Mancini.
A présent, léquipe genevoise va comparer les résultats obtenus sur sa cohorte de recherche avec des bases de données internationales, afin de confirmer ce rôle neuroprotecteur induit par ces traitements prescrit à la sortie de lenfance, ladolescence étant la phase critique de déclanchement des maladies psychotiques.
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Journal
Translational Psychiatry