News Release

Prendre la tension cellulaire avec une molécule fluorescente

Peer-Reviewed Publication

Université de Genève

Artist's View of a Lipid Membrane

image: Artist's view of a lipid membrane marked with the FliptR molecule. The lipids are blue (hydrophilic part) and yellow (hydrophobic part). When lipids are stretched (left part) the molecule has a short life time (green), whereas when lipids are more compact, its life time is long (red). Both conformations are shown in large scale at the centre of the image. view more 

Credit: © UNIGE

Le volume des cellules varie au cours de leur vie et en fonction de leur rôle. Lorsque que le volume de la cellule augmente, sa membrane cellulaire se tend sous la pression et risque de se déchirer. L’augmentation de tension déclenche alors des signaux biologiques qui vont permettre l’augmentation de la surface de la membrane cellulaire afin d’en réduire la tension. A l’inverse, si le volume diminue, la cellule doit réduire sa surface afin de retendre sa membrane. Mais quels mécanismes moléculaires permettent de répondre aux changements de tension ? Surtout, comment mesurer la tension pour l’étudier ? Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et du Pôle National de Recherche Biologie Chimique se sont alliés afin de créer une molécule fluorescente permettant de mesurer la tension de la membrane cellulaire. Grâce à elle, ils ont été en mesure de comprendre comment la cellule adapte sa surface à son volume. Une première. Ces résultats, à lire dans les revues Nature Chemistry et Nature Cell Biology, ouvrent la voie à de nombreuses applications, notamment dans la détection des cellules cancéreuses qui ont généralement une tension de membrane élevée.

Lorsque le volume d’une cellule augmente, la tension exercée sur la membrane cellulaire s’accroît, provoquant l’activation de TORC2 – un complexe de protéines permettant la réduction de la tension. «La membrane des cellules est constituée de lipides organisés en une bicouche semi-perméable», explique Aurélien Roux, professeur au Département de biochimie de la Faculté des sciences de l’UNIGE et membre du Pôle de Recherche. «Cette surface est fluide, permettant une grande adaptabilité de la membrane aux changements de forme et de volume de la cellule. Comme toute surface, elle peut être mise sous tension et l’espace entre les lipides s’agrandit alors.» Lorsque cet espace est trop grand et que la membrane risque de rompre, une protéine, nommée Slm1, active TORC2 qui à son tour reproduit des lipides afin d’accroître l’aire de la membrane cellulaire. Mais comment mesurer la tension nécessaire au déclenchement de ce processus?

Une molécule fluorescente comme sonde de la tension membranaire

Pour connaître la tension de la membrane cellulaire, il faut pouvoir mesurer l’espace existant entre chaque lipide qui la constitue. Stefan Matile, professeur au Département de chimie organique de la Faculté des sciences de l’UNIGE et membre du Pôle de Recherche, a donc créé une «molécule-sonde», nommée FliptR (Fluorescent lipid tension Reporter), qui s’insère directement entre les lipides qui constituent la membrane cellulaire. «Nous avons mis au point une molécule fluorescente munie de deux petites «palmes» qui définissent entre elles un angle, s’enthousiasme-t-il. Cet angle varie en fonction de la pression exercée sur FliptR, ce qui change la fluorescence de celle-ci !» Dès lors, en fonction de la fluorescence émise, le groupe du professeur Roux a pu mesurer l’espace entre les lipides et donc la tension des membranes.

Grâce à la création de FliptR, les chercheurs disposent d’un nouvel outil précieux pour mesurer la tension de la membrane cellulaire. «Nous savons que les cellules cancéreuses ont une tension plus élevée que les cellules normales. Nous espérons que cette molécule fluorescente permettra un jour de les détecter plus facilement», ajoute Stefan Matile.

Et quand il s’agit de réduire la circonférence de la cellule ?

Lorsque la tension augmente sur la membrane cellulaire, le complexe TORC2 enclenche la production de lipides pour la faire baisser en accroissant la surface de la cellule. Mais qu’en est-il lorsque le volume diminue et qu’il s’agit de réduire l’aire de la membrane ? «Nous pensions qu’il s’agissait du même mécanisme, mais il n’en est rien!», s’étonne Robbie Loewith, professeur au Département de biologie moléculaire de la Faculté des sciences de l’UNIGE et membre du Pôle de Recherche. En effet, les recherches initiales ont montré que l’activateur de TORC2, Slm1 – impliqué dans l’augmentation de tension – n’avait aucun rôle lors du processus de diminution. «Nous avons par contre observé qu’un lipide particulier présent dans la membrane cellulaire, PIP2, perd son homogénéité habituelle, perturbant l’activité de TORC2.»

Lorsque la tension de la membrane diminue, PIP2 forme des îlots de lipides qui se ségrègent des autres, un peu comme l’eau et l’huile se séparent spontanément. Une protéine du complexe TORC2 se liant à PIP2, TORC2 se retrouve lui-même concentré dans les îlots. Une fois pris dans ces agglomérats, TORC2 cesse son activité. «Les lipides de la membrane cellulaire se dégradent naturellement et sont remplacés grâce à l’activité de TORC2, expose Robbie Loewith. Mais lorsque TORC2 est inhibé dans les îlots de PIP2, les lipides dégradés ne sont plus remplacés, d’où une diminution de l’aire de la membrane cellulaire.» Les chercheurs ont également constaté que s’ils suppriment PIP2 de la cellule, celle-ci n’est plus en mesure d’adapter sa tension et meurt.

Un outil de mesure chimique au service de la biologie

Grâce à la technique de mesure de la tension développée par Stefan Matile et Aurélien Roux, les équipes des professeurs Roux et Loewith ont pu effectuer leurs expériences sur des cellules modèles – les levures – en mesurant les variations de tension de la membrane cellulaire. «La tension des membranes est un paramètre très important à contrôler dans tous les processus cellulaires où des membranes sont impliquées, comme le déplacement, l’endocytose (qui permet à la cellule de se nourrir) ou encore la division cellulaire, notamment cancéreuse», résument les trois chercheurs. Aujourd’hui, les scientifiques se concentrent sur les cellules humaines, afin de vérifier si le mécanisme observé chez la levure est le même pour l’homme, dans l’idée de développer à long terme des médicaments capables de réguler TORC2, voire d’empêcher la prolifération de certains cancers.

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