Toxoplasma gondii, le parasite responsable de la toxoplasmose, est capable dinfecter quasiment tous les types de cellules. On estime que près de 30% de la population mondiale est chroniquement infectée, pour la grande majorité de manière asymptomatique. Une infection au cours de la grossesse peut cependant entraîner de graves pathologies développementales chez lenfant à naître. Comme les autres membres de la grande famille des Apicomplexes, il sagit dun parasite intracellulaire obligatoire qui, pour survivre, doit absolument pénétrer à lintérieur des cellules de son hôte afin de détourner ses machineries à son avantage. Comprendre comment il y parvient permettra denvisager des stratégies de prévention et de contrôle plus efficaces que celles disponibles actuellement. Une équipe de lUniversité de Genève (UNIGE), en collaboration avec lUniversité de Zurich (UZH) et lInstitut Paul Scherrer (PSI) à Villigen, ont identifié le rôle clé de RON13, une protéine du parasite essentielle à ce processus dinvasion. La structure tridimensionnelle et le site daction de cette enzyme sont atypiques, offrant la possibilité de concevoir des inhibiteurs très précis pour stopper linfection. Ces résultats sont à découvrir dans la revue Nature Communications.
Chez les organismes eucaryotes, certaines enzymes, appelées kinases, régulent une grande variété de processus biologiques fondamentaux. «Ces enzymes modifient les protéines en ajoutant ou en enlevant des groupements phosphate qui, comme le ferait un interrupteur, allument ou éteignent les fonctions cellulaires selon les besoins», explique Oscar Vadas, chercheur au Département de microbiologie et médecine moléculaire de la Faculté de médecine de lUNIGE, spécialiste de la biochimie des protéines et co-auteur de cette étude. «Or, les kinases sont des cibles de prédilection dans le développement de médicaments car, dune part, elles sont relativement faciles à inhiber, et dautre part elles sont impliquées dans de nombreuses pathologies. Elles font donc lobjet dintenses recherches.» Dans cette optique, lidentification dune kinase essentielle à la survie dun pathogène ouvre la voie au développement de nouvelles thérapies.
Une kinase étudiée sous toutes ses coutures
Lidentification de RON13, une kinase du Toxoplasme, est rapidement devenu un sujet détude très attractif à la lumière de son rôle prépondérant dans la capacité invasive du parasite. «Afin de comprendre les processus biologiques contrôlés par cette enzyme, tant au niveau cellulaire que moléculaire, nous avons combiné plusieurs technologies de pointe», indique Adrian Hehl, professeur à lUZH. La cryo-microscopie électronique a permis didentifier une structure modulaire supplémentaire absente chez toutes les autres kinases précédemment étudiées, mais essentielle à lactivité de RON13. La microscopie à expansion a démontré des changements morphologiques chez le parasite grâce à des images de haute résolution. Enfin, la protéomique a permis didentifier les cibles de cette kinase qui sont relâchées dans la cellule hôte pour favoriser son invasion, ou encore la génétique pour étudier limpact de labsence de cette kinase sur la croissance du parasite.
«Ces analyses sophistiquées ont également pu être réalisées grâce aux plateformes de technologie de haute-précision de la Faculté de médecine de lUNIGE, mises à la disposition des équipes de recherche», indique Dominique Soldati-Favre, directrice du Département de microbiologie et médecine moléculaire de la Faculté de médecine de lUNIGE, qui a dirigé ces travaux. «En mettant en commun nos différentes expertises, nous avons pu identifier précisément les interactions à luvre et comprendre, au niveau atomique, la structure de cette kinase», souligne Volodymyr Korkhov, professeur au PSI.
Sans RON13, pas dinvasion
RON13 est une kinase localisée dans un compartiment unique du parasite, une organelle contenant des protéines destinées à être injectées dans lhôte. Sans elle, linfection des cellules de lhôte savère impossible. «Pour confirmer ces résultats, nous avons infecté des souris avec une souche du parasite dépourvu de RON13 : ce dernier est devenu totalement inoffensif, à tel point que les souris nont pas montré de réponse immunitaire spécifique», relate Dominique Soldati-Favre.
De plus, ces caractéristiques si particulières rendent RON13 insensible à un inhibiteur efficace sur la majorité des kinases. «Dun point de vue thérapeutique, cest une excellente nouvelle», se réjouit Oscar Vadas. «En effet, cela signifie que lon peut la cibler très précisément sans affecter les kinases humaines, limitant les effets secondaires du traitement.» Par ailleurs, si ces travaux se sont concentrés sur le parasite de la toxoplasmose, dautres pathogènes de la famille des Apicomplexes utilisent les mêmes procédés dinvasion. Il est donc envisageable quune kinase similaire à RON13 joue un rôle essentiel dans linfection par dautres parasites, notamment par Plasmodium falciparum, lagent responsable du paludisme.
Ces travaux ont été réalisés grâce au soutien de la Fondation Carigest SA et du Fonds national suisse pour la recherche scientifique (FNS).
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Journal
Nature Communications