image: Seven-day old gastruloid. The cell nuclei are marked in blue. Neural progenitor cells (green) are distributed along the antero-posterior axis. Progenitor cells of the tail bud (pink) are confined to the posterior extremity of the gastruloid and indicate the direction of its elongation. view more
Credit: © Mehmet Girgin, EPFL
Le plan de construction des mammifères est mis en uvre peu après limplantation de lembryon dans lutérus. Les différents axes du corps, antéro-postérieur, dorso-ventral et medio-latéral, se mettent en place rapidement, sous légide de réseaux de gènes qui coordonnent la transcription de lADN dans diverses régions de lembryon au cours du temps. Des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE), de lUniversité de Cambridge et de lEcole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) ont démontré la capacité de pseudo-embryons de souris à produire la plupart des types de cellules progénitrices nécessaires au développement. Formées à partir de quelque 300 cellules souches embryonnaires seulement, ces structures, appelées gastruloïdes, ont un développement comparable à celui de la partie postérieure dembryons âgés de 6 à 10 jours. Létude, publiée dans la revue Nature, montre que la formation des trois axes embryonnaires principaux se déroule selon un programme dexpression des gènes similaire à celui des embryons. Les gastruloïdes possèdent ainsi un potentiel remarquable pour létude des stades précoces du développement embryonnaire et de ses anomalies.
Létude des processus orchestrant la formation des embryons de mammifères est entravée par la difficulté à les obtenir. Léquipe dAlfonso Martinez Arias, professeur au Département de génétique de lUniversité de Cambridge, au Royaume-Uni, a découvert récemment que, dans certaines conditions, des cellules souches embryonnaires de souris peuvent se rassembler en agrégats tridimensionnels qui sallongent en cours de culture. Baptisés gastruloïdes, ces entités possèdent différentes caractéristiques des stades précoces du développement embryonnaire.
Des processus de formation interdépendants
«Afin de déterminer si les gastruloïdes sorganisent en de véritables structures embryonnaires, nous avons caractérisé leurs programmes dactivation génétique à différents stades de développement», explique Denis Duboule, professeur au Département de génétique et évolution de la Faculté des sciences de lUNIGE et à lInstitut Suisse de Recherche Expérimentale sur le Cancer de lEPFL. Les chercheurs ont identifié et quantifié lARN issu de la transcription du génome, et comparé les gènes exprimés avec ceux dembryons de souris aux mêmes stades de développement.
«Les gastruloïdes forment des structures similaires à la partie postérieure de lembryon, dont le programme de développement est très différent de celui de la portion antérieure», explique Leonardo Beccari, chercheur au sein du groupe genevois et co-premier auteur de létude. Ces pseudo-embryons expriment des gènes caractéristiques des divers types de cellules progénitrices nécessaires à la constitution des futurs tissus. «La complexité des profils dexpression des gènes augmente au cours du temps, avec lapparition de marqueurs de différentes lignées cellulaires embryonnaires, à linstar des profils observés dans les embryons contrôles», note Naomi Moris, chercheuse du groupe de Cambridge et co-première auteure de larticle.
Les gènes architectes sactivent comme dans lembryon
La genèse dune organisation spatiale très précise et semblable à celle de lembryon se traduit par la formation des trois axes principaux, antéro-postérieur, dorso-ventral et medio-latéral. Les biologistes ont illustré cette étonnante propriété en suivant lexpression des gènes architectes Hox, qui sont activés dans un ordre séquentiel au fur et à mesure de la croissance des régions dont ils orchestrent le développement. «La mise en uvre du réseau de gènes Hox au cours du temps, similaire à celle de la partie postérieure de lembryon, confirme le niveau dauto-organisation remarquablement élevé des gastruloïdes», détaille Mehmet Girgin, généticien à lEPFL et co-premier auteur de létude.
Ces pseudo-embryons artificiels peuvent offrir dans certains cas une méthode alternative à lexpérimentation animale qui sinscrit dans le cadre des 3R. La règle des 3R (reduce, replace, refine) sest imposée internationalement comme le fondement de la démarche éthique appliquée à lexpérimentation animale. Elle encourage à réduire le nombre danimaux utilisés, à affiner les conditions expérimentales pour améliorer le bien-être animal et à remplacer à terme le modèle animal par dautres méthodes expérimentales lorsque cela est possible. Les gastruloïdes pourront ainsi complémenter lutilisation danimaux et, par là même, en réduire le nombre utilisé pour étudier le développement embryonnaire des mammifères.
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Journal
Nature