Des chercheurs du CNRS, de lUniversité dOrléans et de la société Artimmune, en collaboration avec des cliniciens turcs, ont identifié un mécanisme clé de linflammation pulmonaire induite par lexposition à la silice, conduisant à la silicose, une maladie incurable. Leur étude chez la souris et les patients, publiée dans Nature Communications le 6 décembre 2018, montre que dégrader lADN extracellulaire bloque linflammation, suggérant une piste thérapeutique.
La silicose est une maladie pulmonaire incurable (si ce nest par une greffe de poumons) provoquée par linhalation de silice. Connue comme la maladie des mineurs, cest loin dêtre une maladie du passé (1) : de nouvelles utilisations du sable sous pression, telles que le sablage ou lexploitation des gaz de schistes, exposent professionnels et riverains. La silicose touche toujours des dizaines de millions de personnes dans le monde, notamment dans les secteurs de la construction, de lexploitation minière, mais aussi du textile ou des prothèses dentaires.
Dans les voies aériennes, les microparticules de silice provoquent stress et mort des cellules, et in fine une inflammation chronique et une fibrose (remplacement du tissu pulmonaire par du tissu cicatriciel). Il en résulte une dégradation irréversible des capacités respiratoires car la silice nest pas éliminée. Cest dans ce cadre que léquipe de Valérie Quesniaux, au laboratoire Immunologie et neurogénétique expérimentales et moléculaires (CNRS/Université dOrléans), a étudié le mécanisme menant à linflammation chronique.
Chez la souris exposée à la silice, les chercheurs ont montré que lADN libéré dans les voies aériennes par la mort des cellules active une cascade de signalisation connue sous le nom de « voie STING », qui aboutit à une inflammation pulmonaire, prémisse de la silicose. Ils ont aussi établi quun traitement par une enzyme éliminant lADN libéré dans les voies aériennes, la DNAse I, supprime cette inflammation pulmonaire.
Léquipe a collaboré avec des cliniciens qui suivent depuis une dizaine dannées une épidémie de silicose du XXIe siècle chez des hommes jeunes, touchant des villages entiers de Turquie : à lorigine, le sablage des jeans par propulsion de sable à haute pression pour donner un aspect usé au denim (2). À luniversité Atatürk, Metin Akgun et ses collègues ont observé une augmentation de la quantité dADN libre et de marqueurs inflammatoires dans le sang et les expectorations de patients atteints de silicose. Une forte activation de la voie STING a également été mise en évidence dans le tissu pulmonaire de patients souffrant de fibrose pulmonaire.
Le mécanisme mis en évidence chez les souris exposées à la silice semble donc aussi impliqué chez lhomme. Ces travaux suggèrent que la DNAse I, déjà utilisée dans dautres pathologies, comme la mucoviscidose, pourrait être bénéfique chez les patients exposés à la silice.
###
Ce travail a été cofinancé par lUnion européenne et la région Centre-Val de Loire dans le cadre du Fonds européen de développement régional (FEDER N°2016-00110366).
Notes :
(1) En savoir plus : https://lejournal.cnrs.fr/articles/soigner-grace-a-lhistoire
(2) Plus de 96 % des travailleurs développent une silicose (cest le taux de prévalence le plus élevé connu pour cette maladie). Aujourdhui interdite en Turquie, cette pratique subsiste dans dautres pays.
Journal
Nature Communications