Les exoplanètes, des planètes autour dautres étoiles que le Soleil, peuvent tourner très près de leur étoile hôte. Quand, en plus de cela, létoile hôte est beaucoup plus chaude que notre Soleil, lexoplanète devient alors aussi chaude quune étoile. La première planète «ultra chaude» a été détectée lannée dernière par des astronomes américains. Aujourdhui, une équipe internationale, dirigée par des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE) en collaboration avec des théoriciens de lUniversité de Berne (UNIBE), a découvert la présence de vapeurs de fer et de titane dans latmosphère de cette planète. La détection de ces métaux lourds a été rendue possible par la température qui règne à la surface de cette planète, qui atteint plus de 4000 degrés. Cette découverte est publiée dans la revue Nature.
KELT-9 est une étoile située à 650 années-lumière de la Terre dans la constellation du Cygne. Avec une température de plus de 10 000 degrés, elle est presque deux fois plus chaude que le Soleil. Une planète gazeuse géante, KELT-9b, tourne autour de létoile KELT-9, à une distance 30 fois plus proche que celle de la Terre par rapport au Soleil. En raison de cette proximité, la planète effectue le tour de son étoile en 36 heures et est chauffée à une température de plus de 4 000 degrés. Ce nest pas aussi chaud que le Soleil, mais plus chaud que beaucoup détoiles. A lheure actuelle, on ne sait pas encore à quoi ressemble une atmosphère planétaire et comment elle peut évoluer sous une température aussi extrême.
Cest pourquoi les chercheurs du Pôle de recherche national (PRN) PlanetS affiliés à lUNIBE ont récemment simulé latmosphère de la planète KELT-9b. «Les résultats de ces simulations relèvent que la plupart des molécules qui sy trouvent devraient se présenter sous forme atomique, car les liaisons qui les maintiennent ensemble sont brisées par les collisions entre particules qui se produisent à ces températures extrêmement élevées», expose Kevin Heng, professeur à lUNIBE. Leur étude prédit également quil devrait être possible dobserver le fer atomique gazeux, sil y en a, dans latmosphère de la planète à laide des télescopes actuels.
La lumière révèle les composants chimiques de latmosphère
Léquipe FOUR ACES1 de lUNIGE, qui fait également partie du PRN PlanetS du Département dastronomie de la Faculté des sciences de lUNIGE, avait précisément observé cette planète alors quelle se déplaçait devant son étoile hôte (soit lors dun transit). Pendant le transit, une infime fraction de la lumière de létoile filtre à travers latmosphère de la planète et lanalyse de cette lumière filtrée peut révéler la composition chimique de latmosphère planétaire. Ceci est réalisé avec un spectrographe, un instrument qui étale la lumière blanche dans les couleurs de ses composants et que lon nomme le spectre. Si elle est présente parmi les composants de latmosphère, la vapeur de fer laisse une signature parfaitement identifiable dans le spectre de la planète.
En utilisant le spectrographe HARPS-Nord, construit à Genève et installé sur le Telescopio Nazionale Galileo à La Palma, les astronomes ont découvert un signal fort correspondant à la vapeur de fer dans le spectre de la planète. «Avec les prédictions théoriques en main, cétait comme suivre une carte au trésor», samuse Jens Hoeijmakers, chercheur aux universités de Genève et de Berne et auteur principal de létude, «et lorsque nous avons fouillé davantage dans les données, nous en avons trouvé encore plus», ajoute-t-il en souriant. En effet, léquipe a également détecté la signature dun autre métal sous forme de vapeur : le titane.
Cette découverte révèle les propriétés atmosphériques dune nouvelle classe dexoplanètes dites «ultra chaudes». Les scientifiques estiment que plusieurs exoplanètes se sont entièrement évaporées dans des environnements similaires à celui de KELT-9b. Bien que cette planète soit probablement suffisamment massive pour résister à lévaporation totale, cette nouvelle étude démontre le fort impact de lirradiation stellaire sur la composition de latmosphère. En effet, ces nouvelles observations montrent que les hautes températures qui règnent sur cette planète cassent la plupart des molécules, y compris celles contenant du fer et du titane. Dans les exoplanètes géantes moins chaudes, ces espèces atomiques sont cachées dans des oxydes gazeux ou sous la forme de poussières, les rendant difficile à détecter. Ce nest pas le cas sur KELT-9b. «Cette planète est un laboratoire unique pour analyser comment les atmosphères peuvent évoluer sous une irradiation stellaire intense», conclut David Ehrenreich, chercheur principal de léquipe FOUR ACES de lUNIGE.
###
1.FOUR ACES, Future of Upper Atmospheric Characterisation of Exoplanets with Spectroscopy, est un projet financé par une subvention du Conseil européen de la recherche dans le cadre du programme de recherche et dinnovation Horizon 2020 de la Commission européenne (subvention n° 724427).
Journal
Nature