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Credit: Susan Elden, DFID
Les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables au paludisme, l'infection ayant des répercussions négatives sur la mère et sur le ftus. On estime que 60 % des femmes enceintes dans le monde vivent dans les régions où le paludisme est endémique, et 125 millions d'entre elles sont à risque chaque année. Malgré cela, les femmes enceintes sont grandement sous-représentées dans les essais cliniques antipaludiques. En général, ce groupe a été exclu des essais cliniques en raison de doutes sur l'innocuité des médicaments sur le ftus, mais les données probantes accumulées ces deux dernières décennies indiquent que les traitements antipaludiques couramment utilisés sont en réalité sans risque. Et pourtant, il n'y a pas de lignes directrices convenues pour évaluer l'efficacité des médicaments antipaludiques pendant la grossesse.
À l'heure actuelle, la quinine et la clindamycine sont les médicaments recommandés pour traiter les femmes au cours de leur premier trimestre de grossesse. Cependant, la clindamycine est difficilement disponible dans les régions où le paludisme est endémique et la quinine en monothérapie est fréquemment utilisée durant tous les trimestres.
Dans cette étude, WWARN a conduit une méta-analyse de données individuelles existantes récoltées sur 4 968 femmes enceintes réunies dans 19 études réparties dans 10 pays - représentant 92 % des patientes dans la littérature disponible. La normalisation et la mise en commun des données, provenant de nombreuses régions et périodes, au sein d'un seul jeu de données, a augmenté la puissance statistique nécessaire pour aborder les principales lacunes en matière de connaissances, en particulier lorsque les données existantes étaient peu nombreuses. Les chercheurs ont évalué l'efficacité et la tolérabilité des traitements à base de quinine et des ACT - y compris AL, l'ACT la plus couramment utilisée.
Les auteurs ont constaté que l'efficacité et la tolérabilité des ACT étaient meilleures que celles de la quinine. AL affichait la meilleure tolérabilité mais son efficacité était la plus faible de toutes les ACT. Les auteurs suggèrent que cette faible efficacité pourrait être due à un dosage d'AL trop faible et recommandent d'entreprendre d'autres études sur l'optimisation de la dose.
Le premier auteur de l'étude, Dr Makoto Saito, a expliqué : « La sécurité des ACT a été démontrée précédemment, il faut donc utiliser le médicament le plus efficace avec le moins d'effets secondaires pour réduire l'impact négatif du paludisme sur la mère et le ftus. Bien que le dosage actuel des ACT ne soit sans doute pas optimal pour les femmes enceintes, celles-ci n'ont plus à endurer la quinine. »
« Nous avons constaté que les femmes dans leur premier mois de grossesse, ou avec une charge parasitaire élevée, étaient plus à risque d'échec du traitement et devaient être suivies de près. »
Dans les zones où la transmission du paludisme est élevée, il a été observé une récurrence du paludisme à P. falciparum chez 58,0 % des femmes dans les 28 jours suivant le traitement à la quinine, tandis qu'il n'y avait que 13,8 % de récurrence après le traitement avec AL. Dans les zones où la transmission est faible, les deux traitements ont été plus efficaces mais chez 33,6 % des femmes traitées avec la quinine, une récurrence a été observée dans les 28 jours. Quelle que soit l'intensité de la transmission, plus de 95 % des femmes traitées par toutes les autres ACT n'ont pas été sujettes à une récurrence.
Les gamétocytes, les précurseurs des cellules sexuelles, étaient plus fréquents chez les parasites du paludisme après traitement à la quinine comparativement aux ACT, ce qui encourage l'utilisation de ces dernières car elles permettront de réduire la transmission générale des parasites du paludisme. La quinine a été liée à une tolérabilité plus faible en raison de risques d'effets secondaires -- tels que les douleurs abdominales, nausées et vomissements -- plus élevés. Ces derniers pourraient être encore aggravés par les nausées matinales au premier trimestre, période pendant laquelle la quinine est recommandée. Alors que les femmes enceintes infectées par le paludisme ont généralement moins de symptômes que les femmes non enceintes, elles sont moins susceptibles de tolérer les effets indésirables des médicaments.
Les auteurs précisent qu'il est important, d'une part, de tenir compte des dernières tendances locales variables de la résistance aux traitements antipaludiques lors de l'application de ces résultats dans des zones spécifiques, et, d'autre part, de réévaluer l'efficacité et la tolérabilité des ACT si un nouveau schéma posologique est proposé aux femmes enceintes.
Le professeur Philippe Guérin, directeur de WWARN et auteur principal de l'étude, a ajouté : « Les résultats de cette étude, ainsi que les données de sécurité révélées au cours de travaux précédents, constituent des preuves convaincantes que l'efficacité et la tolérabilité de la quinine sont inférieures à celles des ACT. Il est donc primordial de lancer de nouvelles recherches sur le dosage des médicaments afin d'optimiser l'efficacité du traitement pour la mère et le ftus. »
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Lire l'étude scientifique : Efficacy and tolerability of artemisinin-based and quinine-based treatments for uncomplicated falciparum malaria in pregnancy: a systematic review and individual patient data meta-analysis. The Lancet Infectious Diseases. 29/04/2020
Notes aux rédacteurs :
La mission du réseau WorldWide Antimalarial Research Network (réseau international sur la résistance aux antipaludiques) ou WWARN, consiste à élaborer des outils innovants et à fournir à la communauté de lutte contre le paludisme des données probantes fiables sur les facteurs affectant l'efficacité des médicaments antipaludiques. WWARN travaille avec ses collaborateurs afin d'optimiser l'efficacité des antipaludiques et des schémas de traitement, en particulier pour les groupes vulnérables, notamment les femmes enceintes, les nourrissons et les enfants souffrant de malnutrition ; il fournit des preuves qui orientent l'élaboration de nouveaux médicaments antipaludiques.
À la demande des communautés sanitaires travaillant sur des maladies infectieuses spécifiques, le modèle WWARN a maintenant été élargi au-delà de la lutte contre le paludisme et, en 2016, l'Observatoire des données sur les maladies infectieuses (Infectious Diseases Data Observatory, IDDO) a commencé à développer des plates-formes de données pour les maladies infectieuses émergentes et liées à la pauvreté. IDDO travaille activement sur la réponse à la pandémie COVID-19.
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Références:
Dellicour S, Tatem AJ, Guerra CA, Snow RW, ter Kuile FO. Quantifying the number of pregnancies at risk of malaria in 2007: a demographic study. PLoS Med 2010; 7(1): e1000221.
Moore KA, Simpson JA, Paw MK, et al. Safety of artemisinins in first trimester of prospectively followed pregnancies: an observational study. Lancet Infect Dis 2016; 16(5): 576-83.
Dellicour S, Sevene E, McGready R, et al. First-trimester artemisinin derivatives and quinine treatments and the risk of adverse pregnancy outcomes in Africa and Asia: A meta-analysis of observational studies. PLoS Med 2017; 14(5): e1002290.
Journal
The Lancet Infectious Diseases