image: Decreased brain response to the same repeated sound at an interval of half a second (left is sound 1, right is sound 2). Illustration: the responses recorded above the auditory areas of the cortex by means of electroencephalographic electrodes. view more
Credit: © UNIGE
Notre environnement sonore est extrêmement dense. Cest pourquoi le cerveau doit sadapter et mettre en place des mécanismes de filtrage qui lui permettent de conserver son attention sur les éléments importants et de séconomiser. Lorsque deux sons identiques se répètent rapidement, lun de ces filtres, nommé porte sensorielle auditive, permet de diminuer drastiquement lattention que porte le cerveau au second son entendu. Chez les personnes souffrant de schizophrénie, cette capacité de diminution de la réponse cérébrale aux sons identiques ne se fait pas correctement. Le cerveau serait ainsi constamment assailli par une multitude de stimulus auditifs, perturbant la capacité attentionnelle. Mais pourquoi? Des neuroscientifiques de lUniversité de Genève (UNIGE) se sont intéressés au mécanisme de cette porte sensorielle auditive, inconnu jusquà aujourdhui. Leurs résultats, publiés dans la revue eNeuro, démontrent que ce filtrage débute dès la première étape du traitement des stimulus auditifs, soit dès le tronc cérébral, contrairement aux hypothèses qui voyaient là un contrôle du cortex frontal, très impacté chez les schizophrènes.
La schizophrénie touche 0,5% de la population. Lune des caractéristiques de la maladie est une difficulté à hiérarchiser et trier les sons environnants, qui dès lors assaillent la personne. Cest pourquoi la schizophrénie est notamment diagnostiquée avec un test simple : le P50. «Il sagit de faire entendre au patient deux sons identiques espacés de 500 millisecondes et de mesurer lactivité cérébrale en réponse à ces deux sons, à laide dun encéphalogramme externe, explique Charles Quairiaux, chercheur au Département de neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de lUNIGE. Si lactivité cérébrale diminue drastiquement lors de lécoute du second son, tout va bien. Mais si celle-ci est presque identique, il sagit de lun des symptômes les plus connus de la schizophrénie.»
Bien quutilisé largement pour effectuer de tels diagnostiques, le fonctionnement de ce mécanisme de filtrage, nommé porte sensorielle auditive, demeure mystérieux. La majorité des hypothèses considèrent quil sagit dun contrôle du cortex frontal, situé à lavant du cerveau. «En effet, cette zone de contrôle est très impactée chez une personne schizophrène et se situe à la fin du cheminement du traitement du son par le cerveau», précise Charles Quairiaux.
La défaillance se situe à la base du traitement sonore
Afin de vérifier cette hypothèse, les neuroscientifiques genevois ont placé des électrodes externes sur des souris, à qui ils ont fait passer le test P50, en variant les intervalles entre les deux sons : de 125 millisecondes à 2 secondes. Et les résultats sont identiques à ceux observés chez lhomme : il y a une nette diminution de lactivité cérébrale lors de lécoute du second son.
Dans un deuxième temps, ils ont placé des électrodes internes dans les régions auditives corticales et sous-corticales du cerveau, du tronc cérébral au cortex frontal soit le chemin du traitement des sons. Ils ont ensuite fait repasser le test P50 aux souris et, contrairement à leur hypothèse initiale, ils ont observé que la diminution de lattention au second son se faisait dès le tronc cérébral, et non pas seulement au niveau cortical, avec une baisse de 60% de lactivité cérébrale. «Cette découverte nous pousse à revoir toute notre compréhension du mécanisme, car elle démontre que leffet de filtre débute à linstant même où le cerveau perçoit le son !», senthousiasme Charles Quairiaux. Et quen est-il chez les schizophrènes ?
«Actuellement, nous effectuons cette même étude sur des souris atteintes du syndrome de délétion 22q11, une mutation qui chez lhomme conduit souvent à la schizophrénie, afin dobserver si labsence de filtre se situe déjà au niveau du tronc cérébral, comptes tenus des nouveaux résultats que nous avons obtenus», poursuit le chercheur genevois. Et cela semble bien être le cas ! En effet, leurs premiers tests sur des souris «schizophrènes» relèvent une absence complète de filtre du second son au niveau du tronc cérébral. La source de lun des symptômes les plus courants de la schizophrénie est en passe dêtre découverte.
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eNeuro