La dengue est une maladie virale transmise à lHomme par des moustiques du genre Aedes. Son incidence progresse actuellement de manière considérable, linscrivant aujourdhui au rang des maladies dites ré-émergentes. Le Bangladesh a recensé des cas sporadiques de dengue dans les années 1960 et connu une importante épidémie en 2000. Depuis, on y dénombre chaque année des cas cliniques. Dans ce pays, le fardeau de la dengue demeure toutefois obscur. Cest pourquoi des chercheurs de lInstitut Pasteur ont mené une étude visant à lélucider et à en identifier les principaux facteurs de risque dinfection.
Le virus de la dengue continue dinfecter des millions de personnes chaque année, surtout dans les pays à ressources limitées. Pour optimiser laffectation ciblée de précieuses ressources à la lutte contre le virus, des chercheurs de lInstitut Pasteur, en collaboration avec des équipes de luniversité Johns-Hopkins, de licddr,b et de lInstitute of Epidemiology, Disease Control and Research du Bangladesh, ont voulu en identifier les principales zones à risque, ainsi que les sous-groupes de la population à risque accru. Or, ces aspects sont méconnus, en particulier dans les régions souffrant de faibles capacités de surveillance. Ainsi, au Bangladesh, lieu de létude, la compréhension de la circulation du virus de la dengue en dehors de la capitale Dhaka était quasi nulle.
« Dans ce contexte, les études de séroprévalence peuvent être utiles. Une fois infectés, les individus développent des anticorps à vie longue détectables via des tests spécifiques », explique Henrik Salje, chef du groupe Modélisation mathématique des maladies infectieuses à lInstitut Pasteur. Cependant, les études de séroprévalence se cantonnant généralement à certaines zones, leurs résultats ne sappliquent probablement pas à lensemble de la population. Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont, quant à eux, rencontré 70 communautés à travers tout le Bangladesh et invité plus de 5 000 personnes de tous âges à fournir des échantillons sanguins pour un dosage danticorps de la dengue. Ils ont également interrogé ces individus, afin de documenter, notamment, leur âge, leur sexe et leurs déplacements, et capturé des moustiques.
Modélisation de l'implantation et de la propagation de la dengue
Les chercheurs ont estimé que 24 % des Bengalis ont été infectés par la dengue au cours de leur vie, mais ce pourcentage oscillait entre 3 % dans les villages du nord du pays et près de 90 % dans les grands centres urbains. Ils ont alors utilisé des modèles mathématiques pour estimer le nombre dinfections annuelles et élaboré des cartes de prédiction de la concentration du risque. Ils ont ainsi évalué à 2,4 millions le nombre moyen dinfections par an, principalement dans les villes de Dhaka, Chittagong et Khulnâ. Une exposition à la dengue a également été constatée en dehors de ces centres urbains, le risque concernant essentiellement les hommes, qui se déplacent davantage. Vecteur principal de la dengue, le moustique Aedes aegypti a majoritairement été retrouvé en milieu urbain, laissant penser que son absence actuelle de nombreuses communautés rurales protège ces dernières des grandes épidémies nationales. Si les chercheurs sétaient limités à quelques communautés, leurs estimations au niveau national auraient été sensiblement différentes, ce qui souligne le danger dextrapoler les résultats tirés dune poignée de communautés à lensemble du pays.
« Nos conclusions permettront aux agences de santé publique du Bangladesh de concentrer leurs efforts sur la lutte contre la dengue. Elles suggèrent, par ailleurs, quune surveillance des lieux de vie des Aedes permettra didentifier les populations à risque », indique Henrik Salje. Les approches analytiques et conceptuelles de létude adoptées par les chercheurs de lInstitut Pasteur sont aisément transposables à dautres pays et pathogènes.
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