Des chercheurs et chercheuses du CNRS à lInstitut Curie viennent de mettre en évidence que les cellules cancéreuses utilisent une protéine membranaire, décrite depuis plusieurs décennies, pour internaliser du fer. Publiés dans Nature Chemistry le 3 août 2020, ces travaux montrent que le fer ainsi absorbé permet aux cellules cancéreuses dacquérir les propriétés de cellules métastatiques.
Les biologistes la connaissent bien, mais ils ignoraient encore la fonction biologique majeure quelle remplit. CD44 est une glycoprotéine que lon retrouve à la surface de nombreuses cellules, dans différents organes, qui est en plus impliquée dans plusieurs processus biologiques : réponse immunitaire, inflammation, cancer Pour la première fois, une équipe de recherche vient de montrer quelle participait à ces phénomènes en permettant lentrée du fer dans les cellules par endocytose.
Les scientifiques du laboratoire Chimie et biologie du cancer (CNRS/Inserm/Institut Curie) et leurs collègues (1) sont arrivés à cette conclusion en étudiant lactivité de CD44 dans des cellules cancéreuses, et les modifications du métabolisme et de lexpression génétique qui en découlent.
Leurs résultats montrent que CD44 permet linternalisation de fer fixé à lacide hyaluronique. Pour les cellules cancéreuses, le fer remplit alors deux rôles : il approvisionne les mitochondries pour quelles produisent des métabolites nécessaires au passage de la cellule à un état métastatique et « déverrouille » au niveau épigénétique certains gènes également nécessaires au processus métastatique. Dans cet état, CD44 devient même la principale porte dentrée du fer dans les cellules.
Ces observations expliquent pourquoi CD44 était déjà connue pour son association avec lapparition de métastases et de récidives. Mais elles sont aussi surprenantes car les biologistes pensaient jusquici quun seul autre mécanisme entrait en jeu dans lendocytose du fer, impliquant la transferrine et son récepteur TfR1. Léquipe de recherche espère maintenant mettre au point des molécules capables de bloquer le trafic cellulaire de fer afin déliminer les cellules à fort potentiel métastatique.
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Ces recherches ont bénéficié dune subvention ERC Consolidator, dune labellisation de la Ligue contre le cancer et de la Fondation Charles Defforey - Institut de France.
Notes :
(1) Ont également participé à ces travaux des chercheurs et chercheuses du Centre de recherche en cancérologie de Marseille (CNRS/Inserm/Institut Paoli Calmettes/Aix-Marseille Université), du laboratoire Dynamique de l'information génétique : bases fondamentales et cancer (CNRS/Sorbonne Université/Institut Curie), du laboratoire Cancer et génome : Bioinformatique, biostatistiques et épidémiologie des systèmes complexes (Inserm/Mines Paristech/Institut Curie), de la plateforme de séquençage haut débit ICGex (Institut Curie) et du Laboratoire de spectrométrie de masse et protéomique (Institut Curie).
Journal
Nature Chemistry