Une équipe internationale emmenée par lUniversité de Genève (UNIGE) a mesuré à travers quatre mégalopoles asiatiques ce que les espaces verts apportent au bien-être des citadins. Lanalyse est basée sur une liste de neuf «besoins protégés» que la société est en mesure de satisfaire. Elle montre que les parcs répondent, à des degrés divers, à presque tous ces besoins. Trois dentre eux sortent toutefois du lot: «vivre dans un environnement agréable à vivre», «se développer en tant que personne» et «faire partie dune communauté». Cette recherche, à lire dans le Journal of Public Space, révèle que chacun est à même dévaluer son bien-être grâce à cette liste de besoins essentiels. Elle montre aussi que les parcs jouent un rôle essentiel dans le bien-être des individus, toutes classes sociales confondues, et quils ne peuvent être remplacés par dautres lieux de rencontres tels que les centres commerciaux. Leur fermeture, comme pendant la pandémie de COVID-19, accroît les inégalités en matière de bien-être.
Un espace libéré des tâches domestiques et des attentes patriarcales, un lieu pour cultiver lamitié ou lamour, un endroit qui permet de vivre un sentiment de liberté absent ailleurs, une occasion de «rendre visite» à des arbres dun pays dorigine que lon na plus vu depuis longtemps, une manière de faire partie dun groupe tout en restant seul sur son banc ou encore un coin idéal pour entretenir un petit commerce de subsistance. Les parcs publics sont tout cela et bien plus encore, à en croire les habitants et les habitantes de quatre mégapoles asiatiques (Chennai, Singapour, Manille et Shanghai) interrogées dans le cadre dune étude qui vient de paraître. Loin de ne profiter quà la biodiversité et à la santé, les espaces verts répondent à de nombreux autres besoins humains essentiels, dont la satisfaction ouvre la voie au bien-être durable, une notion qui désigne lalliance entre le bien-être personnel et les nécessités du développement durable.
«De nombreuses théories tentent de définir le bien-être humain, explique Marlyne Sahakian, professeure au Département de sociologie de la Faculté des sciences de la société de lUNIGE et première auteure de létude. Au lieu de manier des notions subjectives comme le bonheur, nous avons utilisé une liste de neuf «besoins protégés» établie récemment par des collègues de lUniversité de Bâle. Ces besoins correspondent à ce que la société peut assurer à la population à travers le fonctionnement de son secteur public. Fruit dune analyse de la littérature scientifique, cette liste, qui a lambition dêtre universelle, a été validée auprès de la population suisse et par des panels dexpert-es.»
Les neuf besoins capitaux
Concrètement, elle est composée des points suivants: Disposer des biens satisfaisant les besoins vitaux (1), concrétiser sa propre idée de la vie quotidienne (2), vivre dans un environnement agréable à vivre (3), se développer en tant que personne (4), sauto déterminer (5), exercer des activités quon valorise soi-même (6), faire partie dune communauté (7), participer aux décisions sur lévolution de la société (8) et être protégé par la société (9).
Armés de cette liste, des chercheuses et chercheurs des quatre villes asiatiques, cosignataires de létude, ont interrogé des habitant-es des quatre villes asiatiques à propos de leur usage des parcs publics et des bénéfices quils et elles en tirent. Lanalyse de leurs réponses montre dabord que les gens ordinaires peuvent évaluer leur bien-être à travers ces besoins protégés, distinguant ce dont ils ont besoin de ce quils désirent. «Cela suggère que la satisfaction des besoins humains est un objectif de société qui peut être débattu par divers groupes de personnes à travers le monde, souligne Marlyne Sahakian. Cela a des implications sur les mesures durbanisme visant à assurer un bien-être durable pour tous, pour aujourdhui et pour demain. En particulier, dans les villes de lAsie du Sud, les parcs, qui proposent un microclimat naturellement frais et ombragé, représentent une alternative précieuse à dautres espaces de loisirs comme les centres commerciaux climatisés.»
Inclusion plutôt quexclusion
Il ressort également de cette étude, soutenue par le Swiss network for international studies, que tous les besoins protégés trouvent une certaine satisfaction dans la fréquentation des espaces verts. Trois dentre eux (les numéros 3, 4 et 7) obtiennent cependant un score significativement plus élevé que les autres.
«Le fait de se rendre au parc est une pratique sociale qui nécessite plus quun simple espace vert, commente Marlyne Sahakian. Les gens y effectuent différents types dactivités pour répondre au même besoin, par exemple faire de lexercice, converser avec dautres, lire un livre, rencontrer un groupe ou se renseigner sur la biodiversité dans les parcs. Ce sont des espaces très inclusifs, où tout le monde est plus facilement admis, contrairement à ce qui se passe dans les centres commerciaux qui opèrent une ségrégation sociale assez forte. Dans le contexte prochain dun environnement post-COVID-19, où les dépenses publiques seront probablement plus limitées quavant, il est dautant plus important dentretenir les infrastructures des parcs (points deau, toilettes, sentiers ) et den assurer laccès afin quils puissent continuer de satisfaire aux besoins de tout le monde.»
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Journal
The Journal of Public Space