Léquipe de gastroentérologie de lhôpital Henri-Mondor AP-HP et de lUniversité Paris-Est Créteil, dirigée par le Pr Iradj Sobhani, et léquipe de lInserm et de lInstitut Pasteur U1202 « Unité de pathogénie microbienne moléculaire », dirigées par le Pr Philippe Sansonetti, qui occupe également la chaire Microbiologie et maladies infectieuses du Collège de France, ont montré quun déséquilibre du microbiote intestinal, appelé « dysbiose », favorisait la survenue dun cancer du côlon. Les équipes françaises, sont réunies sous le label Oncomix depuis avril 2016 ; ces équipes en collaboration avec léquipe dimmunologie des cancers de Mayo Clinic dirigé par le Pr Khazaie aux Etats-Unis ont en effet montré que la transplantation de flore fécale de patients atteints dun cancer colique chez la souris causait des lésions et des modifications épigénétiques caractéristiques du développement dune tumeur maligne.
Létude pilote, financée par lInstitut national du cancer et promue par lAP-HP dans le cadre dun programme hospitalier de recherche clinique en cancérologie (PHRC-K), a ainsi permis de concevoir un test sanguin non invasif qui identifie ce phénomène épigénétique associé à la dysbiose et de le valider chez 1000 personnes. Les résultats ont fait lobjet le 11 novembre 2019 dune publication dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
Le cancer colorectal sporadique (CCR) se développe sans que les facteurs de risques puissent être déterminés. Il résulte dinteractions complexes entre le sujet et son environnement. Laugmentation croissante de son incidence suggère une évolution défavorable de lenvironnement, dont les composantes peuvent induire des altérations dADN (génique et épigénique) des cellules de lhôte pour les cancers colorectaux sporadiques.
Plusieurs études se sont intéressées au rôle du microbiote en tant que médiateur de ces interactions. Léquipe du service de gastroentérologie de lhôpital Henri-Mondor AP-HP et de lUniversité Paris-Est Créteil, et une équipe de lInserm et de lInstitut Pasteur U1202 « Unité de pathogénie microbienne moléculaire » et de la chaire de microbiologie et maladies infectieuses du Collège de France, ont démontré chez la souris, puis validé chez lhomme, que le mécanisme épigénétique favorisé par certaines bactéries du microbiote contribuait à la survenue ou la promotion des cancers colorectaux sporadiques.
Les 136 souris inclues dans létude recevaient par transplantation soit des selles fraiches de neuf patients atteints de cancers colorectaux sporadiques, soit des selles fraiches de neuf patients sans anomalie colique pris en charge à lhôpital Henri-Mondor AP-HP. Leurs colons ont été examinés 7 et 14 semaines après la transplantation de microbiote fécal (TMF) humain. Les équipes se sont notamment intéressées au nombre et à lévolution des lésions précancéreuses-cryptes aberrantes (CA), au profil microbien et aux altérations dADN colique. Ils ont aussi pris en compte la prise alimentaire, le poids et les indicateurs biologiques sanguins des animaux.
Des associations entre la signature d'ADN (génique et épigénique) tissulaire et la dysbiose fécale (qui correspond à un déséquilibre dans la composition bactérienne intestinale) ont été identifiées par des tests statistiques. Les souris, qui avaient reçu des selles fraiches de patients atteints de cancers colorectaux sporadiques, ont développé des lésions précancéreuses, dites « cryptes aberrantes » (CA) sans modification génétique significative colique mais elles présentaient un plus grand nombre de gènes hyperméthylés. Ces derniers ont été significativement liés à la survenue de CA au sein de la muqueuse colique.
Après vérification des associations entre dysbiose fécale, et anomalies dADN (méthylation) chez les patients atteints dun cancer colorectal sporadique et ayant participé au transfert fécal, une étude pilote a été menée chez l'homme afin de mettre au point un test sanguin simple et reproductible permettant de diagnostiquer les tumeurs colorectales au stade précoce chez des patients asymptomatiques. Sa validation prospective a été réalisée chez 1000 patients asymptomatiques qui devaient bénéficier dune coloscopie. Pour identifier les bactéries impliquées, lensemble de leur génome bactérien a été séquencé. Le niveau dhyperméthylation de trois gènes a été défini comme un index cumulé de méthylation (CMI). Les patients ont été classés en fonction de leur CMI (positif ou négatif). Une analyse a identifié le CMI positif comme un facteur prédictif de la survenue dun cancer colorectal sporadique.
Ces travaux montrent ainsi que le microbiote des sujets présentant un cancer colorectal sporadique induit des lésions précancéreuses coliques chez lanimal par lhyperméthylation dun nombre restreint de gènes. Le taux cumulé dhyperméthylation (CMI) et/ou les bactéries pro méthylatrices pourraient ainsi devenir des marqueurs diagnostiques de ce type de cancer. Ces premiers résultats devront être évalués et confirmés dans le cadre dun essai clinique.
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Journal
Proceedings of the National Academy of Sciences