Un seul et unique phénomène pourrait contrôler toutes les éruptions solaires. Cest ce que viennent de mettre en évidence des chercheurs du CNRS, de lÉcole polytechnique, du CEA et dInria[1] dans un article qui fera la Une de la revue Nature le 8 février 2018. Ils ont mis en évidence la présence dune « cage » renforcée dans laquelle se développe une corde magnétique[2] à lorigine des éruptions solaires. Cest la résistance de cette cage aux assauts de la corde qui détermine la puissance et le type de léruption à venir. Ces travaux ont permis délaborer un modèle capable de prévoir lénergie maximale qui peut être libérée lors dune éruption solaire, aux conséquences potentiellement dévastatrices pour la Terre.
Comme sur Terre, des tempêtes et « ouragans » balaient latmosphère du Soleil. Sur ce dernier, ces phénomènes, causés par une reconfiguration brutale et soudaine du champ magnétique solaire, se caractérisent par une intense libération dénergie sous la forme démissions de lumière et de particules et, parfois, par l'éjection d'une bulle de plasma. Cest létude de ces phénomènes, qui se produisent dans la couronne, la zone la plus externe du Soleil, qui permettra la mise au point de modèles de prévision, comme pour la météo terrestre, afin de limiter notre vulnérabilité technologique face aux éruptions solaires qui peuvent impacter plusieurs secteurs (distribution délectricité, systèmes GPS et de communication, etc.).
En 2014, des chercheurs[3] ont montré qu'une structure caractéristique, un enchevêtrement de lignes de force magnétiques torsadées comme une corde de chanvre, apparaissait progressivement dans les jours précédant une éruption solaire. Cependant, ils navaient observé cette « corde » que pour les éruptions qui expulsent des bulles de plasma. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont étudié les autres types déruptions, dont les modèles sont encore débattus, en plongeant plus profondément dans lanalyse de la couronne solaire, une zone si ténue et si chaude que le champ magnétique solaire y est difficile à mesurer. Ils ont pour cela procédé de la même manière que pour une échographie, en mesurant dabord le champ magnétique plus fort à la surface plus dense du Soleil, pour reconstruire ensuite, à partir de ces données, ce qui se déroule dans la couronne solaire[4].
Ils ont appliqué cette méthode pour une éruption très importante qui sest développée en quelques heures, le 24 octobre 2014. Ils ont montré que durant les heures qui ont précédé léruption, la corde qui se développait était enfermée dans une « cage » magnétique multicouche. A laide de modèles dévolution calculés sur des super-ordinateurs, ils ont mis en évidence que lénergie de la corde sest montrée insuffisante pour briser toutes les couches de la cage, rendant impossible une éjection de bulle magnétique. La torsion élevée de la corde a néanmoins déclenché une instabilité et la destruction partielle de la cage, permettant tout de même lémission de rayonnements puissants ayant entraîné des perturbations terrestres.
Grâce à leur méthode, permettant de suivre une éruption durant les dernières heures avant sa naissance, les chercheurs ont mis au point un modèle capable de prévoir lénergie maximale qui peut être libérée par la zone du Soleil concernée. Ce modèle a ainsi montré que pour léruption de 2014, une énorme éjection de plasma se serait produite si la cage avait été moins résistante.
Ce travail, qui démontre le rôle crucial joué par le couple magnétique « cage-corde » dans le contrôle des éruptions est un nouveau pas pour la prévision précoce des éruptions solaires dont les impacts sociétaux sont potentiellement importants.
###
[1] Du Centre de physique théorique (École polytechnique/CNRS), du laboratoire dAstrophysique, instrumentation, modélisation (CNRS/CEA/Université Paris Diderot), du Laboratoire de physique théorique de la matière condensée (CNRS/Sorbonne Université) et de léquipe Gamma3 dInria.
[2] Voir le communiqué « comprendre et prévoir les éruptions solaires » : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/3783.htm
[3] Voir note 2.
[4] Les données sont issues de lobservation de la surface du Soleil par la mission Solar Dynamic Observatory (SDO) de la NASA. Les modèles numériques des champs magnétiques ont été obtenus à laide des supers ordinateurs de lIDRIS/CINES et de lÉcole polytechnique.
Journal
Nature