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La théorie quantique a besoin des nombres complexes

Peer-Reviewed Publication

ICFO-The Institute of Photonic Sciences

image: Artistic illustration of the study published in Nature. Image credit: Georgy Ermakov and Sergey Lebedyanskiy. view more 

Credit: Georgy Ermakov and Sergey Lebedyanskiy.

Pour décrire la nature, les physiciens élaborent des théories. Un exemple : pour éviter de se perdre lors d’une randonnée en montagne, nous étudions généralement une carte. C’est une représentation de la montagne, avec ses maisons, ses rivières, ses routes, qui permet de trouver assez facilement son chemin jusqu’au sommet. Mais la carte n’est pas la montagne, elle est la théorie que nous utilisons pour la représenter.

Les théories physiques sont exprimées en termes d’objets mathématiques, tels que des équations, des intégrales ou des dérivées.  Introduite au début du 20e siècle pour représenter le monde microscopique, l’avènement de la théorie quantique a modifié la donne. Parmi les nombreux changements radicaux qu’elle a apportés, elle a été la première théorie formulée en termes de nombres complexes.

Inventés par les mathématiciens il y a des siècles, les nombres complexes sont composés d’une partie réelle et d’une partie imaginaire. C’est le philosophe Descartes, père de la rationalité, qui inventa ce terme « imaginaire », par opposition aux nombres « réels » usuels. Malgré leur rôle fondamental en mathématiques, on ne s’attendait pas à ce qu’ils jouent un rôle similaire en physique. La mécanique de Newton ou l’électromagnétisme de Maxwell s’appuient sur des nombres réels pour décrire, par exemple, la façon dont les objets se déplacent ou dont les champs électromagnétiques se propagent. Les physiciennes pouvaient parfois recourir à des nombres complexes pour simplifier certains calculs, mais leurs axiomes ne faisaient appel qu’à des nombres réels.

La confusion de Schrödinger

La théorie quantique, dont les postulats de base sont formulés en termes de nombres complexes, a radicalement remis en cause cet état de fait. Bien que très utile pour prédire les résultats des expériences et capable, par exemple, d’expliquer parfaitement les niveaux d’énergie de l’atome d’hydrogène, la théorie quantique se heurte à notre intuition qui privilégie les nombres réels. Schrödinger fut le premier à introduire les nombres complexes dans la théorie quantique par le biais de sa célèbre équation. Il ne pouvait pourtant pas concevoir que les nombres complexes puissent être réellement nécessaires : « ψ est sûrement fondamentalement une fonction réelle », écrit-il en 1926. Ernst Carl Gerlach Stueckelberg, professeur à l’UNIGE, montre en 1960 que les prédictions de la théorie quantique, pour les expériences impliquant une seule particule, pouvaient également être formulées en utilisant exclusivement des nombres réels. Il y avait depuis lors consensus : les nombres complexes dans la théorie quantique n’étaient qu’un outil pratique.

Cependant, dans une récente étude publiée dans Nature, les chercheur et professeur à l’ICFO Marc-Olivier Renou et Antonio Acín, en collaboration avec Nicolas Gisin, professeur honoraire de la Faculté des sciences de l’UNIGE et professeur au Schaffhausen Institute of Technology (SIT), Armin Tavakoli de la Vienna University of Technology, David Trillo, Mirjam Weilenmann, et Thinh P. Le, dirigée par Miguel Navascués professeur à l’Institut d’optique quantique et d’information quantique (IQOQI) de Vienne a prouvé le contraire grâce à une proposition expérimentale concrète impliquant trois parties connectées par deux sources de particules où la prédiction de la théorie quantique complexe standard ne peut pas être exprimée par son pendant réel.

Deux sources et trois nœuds

Pour leur expérience, ils ont imaginé un scénario spécifique impliquant deux sources indépendantes (S et R), placées entre trois nœuds de mesure (A, B et C) dans un réseau quantique élémentaire. La source S émet deux particules intriquées, des photons, l’un vers A, et le second vers B. La source R fait exactement la même chose, émet deux autres photons intriqués et les envoie à B et à C, respectivement. Le point clé de cette étude était de trouver la manière appropriée de mesurer ces quatre photons dans les nœuds A, B, C afin d’obtenir des prédictions qui ne peuvent être expliquées lorsque la théorie quantique se limite aux nombres réels.

Marc-Olivier Renou, chercheur à l’ICFO de Barcelone et co-auteur de l’étude, commente, “Lorsque nous avons découvert ce résultat, le défi consistait à réaliser l’expérience envisagée grâce aux technologies les plus récentes. Nous avons adapté notre protocole pour le mettre en œuvre avec les équipements de pointe de nos collègues de Shenzen, en Chine. Et, comme prévu, les résultats expérimentaux correspondent aux prédictions !”. Cette expérience remarquable, réalisée en collaboration avec Zheng-Da Li, Ya-Li Mao, Hu Chen, Lixin Feng, Sheng-Jun Yang, Jingyun Fan de la Southern University of Science and Technology, et Zizhu Wang de l’University of Electronic Science and Technology, est publiée en même temps que le papier dans Nature, dans Physical Review Letters.

Ces travaux peuvent être considérés comme une généralisation du théorème de Bell, qui fournit une expérience quantique qui ne peut être expliquée par aucun formalisme basé uniquement sur des quantités locales (se propageant continûment de proche en proche). L’expérience de Bell implique une source quantique S qui émet deux photons intriqués, un vers A, l’autre vers B. Ici, en revanche, il est nécessaire d’utiliser deux sources indépendantes, hypothèse cruciale qui a été considérée avec soin dans l’expérience réalisée à Shenzhen.

Cette étude montre également les impressionnants résultats qui peuvent être obtenus en combinant le concept de réseau quantique avec les idées de Bell. Les outils développés dans le cadre de cette recherche ouvrent la voie à une meilleure compréhension de la théorie quantique et pourraient permettre le développement d’applications jusqu’ici inenvisageables pour l’internet quantique.

 

Reference: Quantum theory based on real numbers can be experimentally falsified, Marc-Olivier Renou, David Trillo, Mirjam Weilenmann, Le Phuc Thinh, Armin Tavakoli, Nicolas Gisin, Antonio Acín, and Miguel Navascues, 2021, Nature, doi: 10.1038/s41586-021-04160-4

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Antonio Acín

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Quantum Information Theory

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Marc Olivier Renou

Chercheur postdoctoral et premier auteur

Quantum Information Theory

E. Marc-Olivier.Renou@icfo.eu

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Alina Hirschmann

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E. alina.hirschmann@icfo.eu

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