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Priver les neurones d’énergie exacerbe l’épilepsie

Une équipe de l’UNIGE et de l’EPFL a fait chez la souris une découverte contre-intuitive: les crises d’épilepsie sont plus violentes lorsque la voie de production d’énergie dans leurs neurones est bloquée.

Peer-Reviewed Publication

Université de Genève

image: Mitochondria (tubular structures) within the cytoskeleton filaments of neurons observed by fluorescence microscopy. view more 

Credit: Marine Laporte

L’épilepsie, une des affections neurologiques les plus fréquentes, est caractérisée par la répétition spontanée de crises provoquées par l’hyperactivité d’un groupe de neurones dans le cerveau. Pourrait-on dès lors réduire l’hyperactivité neuronale, et traiter l’épilepsie, en réduisant la quantité d’énergie fournie aux neurones et nécessaire à leur bon fonctionnement? C’est ce qu’a testé une équipe pilotée par des scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) et de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Les chercheurs/euses ont découvert que, chez la souris, les crises s’en trouvaient au contraire exacerbées. L’équipe a observé qu’une réduction de la quantité d’énergie entraînait une augmentation du taux de calcium dans les neurones, les rendant hyperexcitables. Ces dysfonctionnements ont pu être corrigés par un traitement dérivé du régime cétogène, riche en lipides et utilisé depuis l’antiquité. Ces travaux sont publiés dans la revue eLife.

Notre cerveau, qui ne représente que 2% du poids corporel, consomme plus de 20% du sucre que nous ingérons. Ce besoin considérable en sucre permet de fournir l’énergie indispensable au fonctionnement des milliards de neurones responsables de l’émission et de la propagation des messages nerveux, via des signaux électriques. Cette conversion du sucre, et plus précisément du glucose, en énergie est effectuée par les mitochondries, petits organites intracellulaires considérés comme les «usines énergétiques» de la cellule.

 

Le rôle-clé des «usines énergétiques» de la cellule

Le laboratoire de Jean-Claude Martinou, professeur au Département de biologie moléculaire et cellulaire de la Faculté des sciences, s’intéresse au fonctionnement des mitochondries. Son groupe avait déjà découvert le transporteur universel qui permet au pyruvate, produit issu de la dégradation du glucose, de pénétrer dans les mitochondries. Il investigue désormais le rôle du transporteur mitochondrial de pyruvate (MPC), dans l’activité neuronale et étudie si un défaut du transport de pyruvate dans les mitochondries des neurones pourrait avoir un lien avec certaines maladies neurologiques, et notamment l’épilepsie.

Les crises d’épilepsie sont la manifestation d’une hyperactivité cérébrale résultant d’une hyperexcitation des neurones du cortex cérébral. «Il nous semblait intéressant de tester si la suppression du transporteur mitochondrial de pyruvate, et donc la diminution de la quantité d’énergie fournie par les mitochondries, pourrait réduire l’hyperexcitabilité des neurones lorsque surviennent des crises d’épilepsie», explique Jean-Claude Martinou, dernier auteur de l’étude.

 

Des souris devenues hypersensibles aux crises d’épilepsie

Les biologistes ont ainsi administré une drogue pro-épileptique, capable d’induire des crises d’épilepsie, chez des souris normales et chez des souris dont les neurones du cortex étaient dépourvus du MPC. Chez les souris normales, l’injection d’une faible dose de la drogue n’a pas induit de crises d’épilepsie. En revanche, et contrairement à l’hypothèse de départ, chez les souris sans MPC, des crises très sévères, voire fatales, sont survenues dès l’administration de faibles doses de la drogue pro-épileptique. 

En analysant plus en détail ce qui se passait dans ces neurones, les biologistes ont constaté que les neurones sans MPC présentaient des taux anormalement élevés de calcium, élément crucial pour la bonne transmission des messages nerveux. «Le pyruvate importé dans les mitochondries ne joue pas uniquement un rôle dans la production du carburant cellulaire, il permet également à la mitochondrie de piéger le calcium. Il s’avère que c’est cette deuxième fonction qui est impliquée dans le déclenchement des crises d’épilepsie. N’étant plus piégé par les mitochondries, le calcium reste libre dans les cellules et sa concentration augmente, ce qui rend les neurones hyperexcitables», explique Carmen Sandi, professeure à l’EPFL et co-dernière auteure de l’étude. 

 

Les secrets du régime cétogène

Depuis l’Antiquité, des patients souffrant d’épilepsie constatent qu’un régime cétogène, c’est à dire riche en matières grasses et faible en glucides, leur permet d’éviter les crises. Les corps cétoniques, produits lors d’un régime cétogène ou un jeûne, sont issus de la dégradation des lipides au niveau du foie. Ils sont importés au niveau du cerveau pour lequel ils représentent une source énergétique essentielle, notamment pendant un jeûne. Ils peuvent pénétrer dans les mitochondries sans avoir recours à des transporteurs et sont utilisés pour fournir l’énergie.

«Nous avons constaté que les crises d’épilepsie sont atténuées chez les souris sans MPC soumises à un régime cétogène ou lorsque nous leur administrons des corps cétoniques. Grâce à ce régime, les fonctions des mitochondries et des neurones sont restaurées et le taux de calcium est normal», poursuit Marine Laporte, chercheuse au Département de biologie moléculaire et cellulaire et co-première auteure de l’étude. Ces travaux, financés par le Fonds National Suisse et la Fondation Kristian Gerhard Jebsen permettent d’expliquer les crises d’épilepsie observées fréquemment chez des patients atteints de pathologies mitochondriales ainsi que d’envisager chez ces patients un traitement à base de corps cétoniques, moins drastique que les régimes cétogènes.


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