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Le zinc pour traiter une maladie génétique rare

En décryptant les mutations du gène GNAO1, à l’origine de graves handicaps mentaux et moteurs, une équipe de l’UNIGE démontre comment le zinc pourrait améliorer les défaillances cérébrales en cause.

Peer-Reviewed Publication

Université de Genève

image: Structure of the GNAO1 gene with the location of the three most frequent mutations. view more 

Credit: © Larasati et al., Sci. Adv. 8, eabn9350 (2022) 21 October 2022.

Les encéphalopathies pédiatriques d’origine génétique causent de sévères handicaps moteurs et intellectuels dès la naissance. L’une de ces maladies, identifiée pour la première fois en 2013, est due à des mutations sur le gène GNAO1. Afin de comprendre les plus fins détails des perturbations qui en découlent, des scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) ont mené des analyses atomiques, moléculaires et cellulaires. Ils/elles ont ainsi découvert qu’une mutation sur GNAO1 entraîne le remplacement d’un acide aminé par un autre dans une séquence protéique. Cela suffit à perturber le mécanisme d’activation et de désactivation de la protéine codée par ce gène, ce qui modifie la capacité des neurones à communiquer correctement avec leur environnement. Or, une simple molécule de zinc, couramment utilisée dans d’autres contextes, pourrait restaurer, au moins partiellement, le fonctionnement de la protéine affectée par ces mutations. Ces résultats, à découvrir dans la revue Science Advances, portent l’espoir d’un traitement qui pourrait changer la vie des malades et de leur entourage.


Les enfants porteurs de mutations sur le gène GNAO1 présentent d’importants troubles cliniques: retard du développement intellectuel et moteur, mouvements incontrôlables, ou encore épilepsie plus ou moins sévère parfois accompagnée de lésions et d’atrophies cérébrales. Le gène GNAO1 code pour une protéine appelée «Gαo» qui est l’une des briques les plus essentielles de la construction des cellules neuronales. «Cette mutation est hétérozygote dominante, ce qui signifie que l’une des deux copies du gène est fonctionnelle et l’autre mutée», explique Vladimir Katanaev, professeur au Département de physiologie cellulaire et métabolisme de la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux. «Or, même si les neurones disposent d’une moitié de protéines normales, les résultats neurodéveloppementaux sont dévastateurs.»


Un seul acide aminé modifié

Les protéines Gαo fonctionnelles sont activées quand elles sont liées à un nucléotide, le GTP, puis se désactivent au travers d’un mécanisme d’hydrolyse. Les protéines peuvent ainsi suivre un cycle d’activation et de désactivation nécessaire au fonctionnement cellulaire. Les mutations sur le gène GNAO1 amènent au remplacement d’un acide aminé de la protéine Gαo par un autre. Ces protéines mutées s’activent alors très rapidement, mais ne sont pas capable d’effectuer l’hydrolyse et se retrouvent ainsi piégées dans un état d’activation permanent. Pourquoi? «Ces mutations affectent indirectement un acide aminé crucial pour l’hydrolysation du GTP: le glutamine 205. En temps normal, ce glutamine est structurellement situé en face du GTP ce qui permet l’hydrolysation. Or, ce glutamine est déplacé en cas de mutation pathologique: cet éloignement structurel empêche le mécanisme d’hydrolyse», détaille Vladimir Katanaev. En perturbant les interactions avec les protéines de la membrane cellulaire, ces mutations modifient la capacité de communication des neurones avec leur environnement.


Une molécule connue depuis des décennies

Les scientifiques ont basé la suite de leur étude sur ces premiers résultats fondamentaux. «In fine, notre objectif est d’essayer de trouver un traitement qui pourrait limiter les symptômes de la maladie et améliorer la qualité de vie des malades et de leur famille.» Pour cela, l’équipe de recherche a développé un système de criblage à haut débit afin d’effectuer le screening de milliers de médicaments déjà approuvés, dans l’idée d’identifier une molécule capable de réactiver l’hydrolyse. «En effet, il n’y a généralement pas, dans les maladies rares, les moyens de développer une molécule nouvelle. Le repositionnement de molécules médicamenteuses déjà disponibles, approuvées et sûres peut s’avérer une stratégie payante.»


Une molécule, la pyrithione de zinc, est sortie du lot: elle corrige la perte d’interactions intracellulaires en ramenant la glutamine 205 proche de sa localisation structurelle normale, ce qui permet à l’hydrolysation de GTP de sa faire.  «Il s’agit d’un vieux médicament antifongique et antibactérien utilisé sous forme de crème dans certaines maladies de peau. Nous avons poussé l’analyse un peu plus loin afin de déterminer si toute ou une partie de cette molécule était efficace. Il s’avère que c’est l’ion de zinc qui est ici efficace. On le trouve très facilement en pharmacie. Il est déjà approuvé dans le traitement de la dépression légère, l’insomnie, et même dans certains cas des troubles développementaux chez les enfants», indique Vladimir Katanaev.


Confirmation grâce à un modèle de mouche

Pour confirmer ce résultat, l’équipe de recherche a fait appel à un modèle animal novateur: la mouche drosophile. «Nous avons modifié le génome de mouches pour répliquer la mutation du gène GNAO1, en conservant, comme chez l’être humain, une copie normale du gène», détaille Mikhail Savitskiy, chercheur dans le laboratoire de Vladimir Katanaev et spécialiste de la modélisation des maladies chez les drosophiles. «Les mouches présentaient alors des problèmes de mobilité et une durée de vie réduite.» Or, l’adjonction de zinc à leur régime alimentaire tout au long de leur vie, dès le stade larvaire, leur permettait de supprimer ces symptômes presque complètement. «Ce résultat est vraiment étonnant, d’autant que le zinc est une substance très sûre, bien tolérée et peu onéreuse.» Les premiers essais sur des patient-es s’annoncent prometteurs; des essais cliniques vont maintenant être mis en place afin d’évaluer si une amélioration peut être mesurée à long terme.


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