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La flexibilité cognitive renforce le raisonnement mathématique

Une équipe de l’UNIGE montre que la multiplication des points de vue sur un même problème permet d’améliorer le raisonnement proportionnel des élèves.

Peer-Reviewed Publication

Université de Genève

image: Multiple categorization involves presenting students with mathematical problems that can be solved from different perspectives. view more 

Credit: © Calliste Scheibling-Sève

Le raisonnement proportionnel est un processus cognitif qui fait intervenir des rapports et des proportions, dans le but de résoudre un problème mathématique. Régulièrement exercé et appliqué dans le cadre scolaire, ce raisonnement est aussi utile dans notre vie quotidienne. Il nous permet de calculer le prix de certains produits lorsque nous faisons nos achats, d’adapter la quantité des ingrédients d’une recette de cuisine, de convertir des devises étrangères. C’est lui qui est à l’œuvre lorsque nous comprenons qu’une vitesse de 50km/h équivaut à une distance de 25 km parcourue en 30 minutes. Il intervient également dans l’évaluation de nos prises de risque: par exemple, lorsque nous faisons des choix pour notre santé en comparant l’efficacité d’un traitement ou d’un vaccin en regard des risques que la maladie nous fait encourir.


Son apprentissage, complexe, débute en général durant la seconde moitié de la scolarité primaire. Il peut être entravé ou limité par certaines conceptions intuitives des proportions à l’œuvre chez un-e élève. C’est le cas, par exemple, lorsque cet-te élève se représente la fraction comme deux nombres l’un sur l’autre (1/2 c’est 1 sur 2) et non comme un rapport (1/2, c’est la moitié d’une quantité). Dans une récente étude, le groupe de recherche Instruction, Développement, Éducation, Apprentissage (IDEA) de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UNIGE s’est penché sur ce phénomène. Il est parvenu à l’atténuer en proposant des exercices mathématiques spécifiques à des classes «test».


Une clé: multiplier les points de vue

«L’objectif de cette recherche était de démontrer que la catégorisation multiple – c’est-à-dire le fait d’adopter plusieurs points de vue sur un même problème – entraîne une flexibilité cognitive qui aide l’élève à réinterpréter un énoncé mathématique de manière plus pertinente et améliore sa capacité à le résoudre», explique Calliste Scheibling-Sève, chercheuse post-doctorante au sein du groupe IDEA de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UNIGE, et première auteure de l’étude. L’équipe scientifique a testé ce dispositif au sein d’établissements de différents niveaux socio-économiques afin de s’assurer que tous les élèves pouvaient bénéficier de ce dispositif.


La catégorisation multiple consiste à présenter aux élèves des problèmes mathématiques qui peuvent se résoudre avec différentes stratégies selon le point de vue adopté. Par exemple, lorsque l’on dit «j’ai mangé un quart de deux carreaux de chocolat», on peut adopter un point de vue par partie – j’ai mangé un quart de chaque carreau de chocolat – ou un point de vue par tout – j’ai mangé deux quarts d’un carreau de chocolat. Cela revient évidemment à la même quantité, mais la modélisation mathématique diffère (¼ + ¼ = ¼ x2 = 2/4 = ½ versus 2/4 x 1 = ½).


De même, afin d’aider les élèves à comprendre la notion de rapport et la réciprocité de la multiplication et de la division, on peut introduire des énoncés du type «Lisa a 7 cubes rouges. Léo a 21 cubes bleus. Qui a le plus de cubes? Combien de fois plus? Qui a le moins de cubes? Combien de fois moins?» et demander d’adopter à la fois le point de vue de Lisa et celui de Léo. Si Léo a 3 fois plus de cubes que Lisa, c’est que Lisa a 3 fois moins de cubes que Léo. Cette gymnastique mentale permet d’établir la réciprocité de la multiplication et de la division.


Nettes améliorations

Vingt-huit classes de CM1 et CM2 (des élèves de 9-10 ans et de 10-11 ans) en Île-de-France ont participé à l’étude durant une année scolaire. Les classes constituant le groupe expérimental ont reçu 12 leçons de mathématiques axées sur le principe de catégorisation multiple et impliquant des problèmes à structures multiplicatives (multiplication/division, fraction, proportionnalité). Leurs performances ont été comparées à celles des classes du groupe témoin qui ont, elles, suivi des cours de mathématiques traditionnels.


«À la fin de l’année scolaire, par rapport au groupe témoin, le groupe expérimental a obtenu de meilleurs résultats au post-test lors de la résolution de problèmes et a proposé des stratégies de résolution plus diversifiées», révèle Emmanuel Sander, professeur ordinaire au sein du groupe IDEA de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UNIGE, et superviseur de la recherche. «Les analyses montrent également que l’écart de performance en faveur des classes test a été observé dans les établissements scolaires de tous niveaux socio-économiques.» Calliste Scheibling-Sève ajoute: «de façon surprenante, les élèves de 9-10 ans des classes test ont atteint le même niveau de performance que les élèves de 10-11 ans des classes traditionnelles, soit d’élèves avec un an d’enseignement supplémentaire.»


Ces résultats ouvrent de nouvelles pistes pour dépasser les idées préconçues qui limitent l’apprentissage du raisonnement proportionnel. Ils offrent également de nouvelles perspectives pour le développement de la flexibilité cognitive à l’école dans d’autres disciplines. «Cette approche peut être appliquée à d’autres branches que les mathématiques, comme l’apprentissage des sciences, celui de la grammaire mais aussi l’éducation à la citoyenneté», explique Katarina Gvozdic, maître assistante au sein du groupe IDEA de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UNIGE. Pour l’équipe de recherche, la prochaine étape consistera ainsi à développer des interventions fondées sur ces principes dans d’autres disciplines scolaires.


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